OUVRAGES de BERNARD LEGRAS

 

 

Article sur Wikipedia

 

Jean Legras (1914 - 2012)

 

Mathématicien lorrain

Précurseur de l'Informatique à Nancy

Fondateur de l'Institut Universitaire de Calcul Automatique

 

Ouvrage de Bernard Legras édité en avril 2008

 

Allée Jean Legras inaugurée en avril 2014 (article couleur - fichier pdf)

 

Chronique de Martine Friot

 

Intervention du professeur Claude Pair au 40ème anniversaire du Loria

 

Mieux connaître les débuts de l'informatique universitaire à Nancy par les Pr. M. Créhange et M-C Haton (fichier pdf)

 

Sommaire

 

Avant-propos

 

PARTIE I - LA VIE DE JEAN LEGRAS

La jeunesse

Hyménée

La guerre et la captivité

Bernard, Christiane

La suite de la vie et de la carrière à Nancy

La retraite officielle

Jean et ses enfants

Quelques anecdotes

Généalogie

 

PARTIE II - JEAN LEGRAS : SES TRAVAUX ET L'AVENTURE INFORMATIQUE

L'article de A. Renaud dans le Pays Lorrain

Livres, thèses et publications

Préfaces et avant-propos de trois livres de J. Legras

Allocution prononcée par le professeur Barriol

L'Institut universitaire de calcul automatique de Nancy - par J. Legras

Petite histoire de l'informatique à Nancy - par J. Legras

A tout CRIN – 20 ans : la belle âge (1993) – les hommages

 

PARTIE III - LA FETE DES ANCIENS ELEVES ET COLLABORATEURS POUR LE DEPART EN RETRAITE DE JEAN LEGRAS

La fête de la « 3A2C »

Beaucoup étaient venus

Le livre d'or a recueilli de très nombreux témoignages

Puis vint l'heure des discours

La dernière visite de Jean Legras à la « 3A2C »

Témoignage - par le professeur Jean-Paul Haton

Admiration et reconnaissance - par le professeur Michel Lucius

 

Avant-propos

 

C'est avec beaucoup d'émotion que je tente ici de retracer un peu la vie de mon père Jean Legras.

Ce modeste ouvrage qui lui est consacré est certes destiné en premier lieu à sa famille, mais également à ses élèves et collaborateurs qui l'ont connu et apprécié et enfin à tous ceux qui s'intéressent au début de l'informatique à Nancy.

Nombreux sont ceux à Nancy qui savent que la carrière professionnelle de mon père fut celle d'une star dans un des domaines les plus ardus pour l'intelligence, celui des mathématiques.

Pour s'en convaincre, il suffit de lire l'article écrit par André Renaud, consacré au « Rayonnement des mathématiques Lorraines » dans la revue « Le Pays Lorrain » à l'occasion d'un numéro spécial intitulé « Les Universités de Nancy », édité en 2003.

« Combien de Nancéiens savaient-ils que dans certains cercles de l'intelligence, leur ville était connue de Tokyo, Moscou, Princeton jusqu'à Los Angeles ?...

Combien de Nancéiens savaient-ils que la réputation de leur ville était parvenue à égaler celle des écoles fameuses de Grenoble et de Toulouse ?

Or nous avons ici le résultat du travail opiniâtre et brillant de deux savants aux tempéraments forts et souvent opposés, qui ont porté au loin, très loin, le renom de l'Université de Nancy. Mais aujourd'hui, n'est-ce pas, chacun ici les connaît bien par leur nom, Jean Delsarte (1903-1968) et Jean Legras. »

Le texte présenté tel quel développe les travaux scientifiques de mon père. Il fait l'objet de la deuxième partie avec d'autres documents consacrés au développement de l'informatique naissante et notamment au Centre de Calcul.

Si le scientifique est remarquable, l'homme l'est également, par sa droiture, son honnêteté, sa tolérance, dans son comportement comme mari et comme père. Jean a fait un mariage d'amour, son couple formé avec Madeleine était un modèle. Il s'est occupé beaucoup de ses enfants (puis de ses petits-enfants) et leur a donné à tous beaucoup d'amour.

Mon père a contribué à mon épanouissement et à ma carrière, en me poussant intelligemment vers des applications scientifiques en médecine - les statistiques et l'informatique médicale.

Je ne lui dirai jamais assez merci.

B. Legras - Nancy – avril 2008

 

« Mon père, ce héros au sourire si doux »

(Victor Hugo)

 

Remerciements : ils vont tout particulièrement pour leur aide à Danièle Marchand, qui fut une collaboratrice dévouée de mon père pendant de longues années et à Marion Créhange qui fut sa première assistante.

 

PARTIE I

 

LA VIE DE JEAN LEGRAS

 

Alice Legras (née Bourcier)

Mon fils - Sera-ce un génie ?

 

La jeunesse

 

Jean Emile Alfred Legras voit le jour le dimanche 12 juillet 1914 au 22 de la rue Debordeaux à Soissons où son père venait d'être nommé.

Il est le premier enfant de Félix Legras, professeur de mathématiques dans le secondaire, âgé de 28 ans et d'Alice Bourcier âgée de 26 ans.

C'était un beau bébé de près de cinq kilos.

Félix Legras (1885-1971) Alice Bourcier (1888-1975)

 

Jean naît quelques semaines avant le début de la grande guerre alors qu'une période très troublée débute pour ses parents.

4 août 1914, déclaration de la guerre.

L'ennemi se rapprochant de Soissons, c'est le départ pour Chambéry chez Adine Bourcier, sœur d'Alice.

 

Jean (1 an) avec sa mère

 

Félix envoyé à Dreux est démobilisé rapidement pour raisons de santé. Le couple vient à Nancy où Félix avait été nommé professeur.

En septembre 1915, Félix est repris pour le service armé dans l'artillerie et en 1916, il est à Verdun pour la grande offensive.  

En octobre 1916, la famille habite Bourges. Félix est évacué de Verdun puis soigné à Baud (dans le Finistère) ; il est nommé professeur à titre militaire.

En octobre 1917, Félix est nommé au lycée Michelet à Vanves (banlieue de Paris).

La famille loge à Clamart et le 22 août 1918, naît une petite sœur Annette.

Alice apprend à lire et à écrire à son fils, ce qu'il fait avec beaucoup de facilité.

En septembre 1918, Jean rentre à l'école. 

Le 11 septembre 1918, c'est l'armistice.

Le 15 septembre 1919, la famille s'installe au 33 de l'avenue Foch dans un bel appartement de six pièces pour une période de vingt ans, avant de venir au numéro 39 de la même rue. La vie errante était terminée.

 

Jean (5 ans), Alice, Félix, Annette

 

Jean suit des études très brillantes au lycée Henri Poincaré de Nancy où il rentre à l'âge de six ans en 1920 (à Paques, il monte d'une classe) ; il truste les prix d'excellence année après année.

 

Jean à coté de son père en 3ème A (1927 – il a 13 ans)

 

Jean lit beaucoup (à 13 ans, il écrit à sa mère : « j'ai relu le Baron de Munschhausen »).

Surtout, il montre des dons remarquables en mathématiques (plus tard il racontait qu'il n'avait jamais appris un seul cours de math : « J'ai commencé à travailler vraiment au moment de l'agrégation) ».

Il obtient le 2ème prix au concours général de mathématiques (juin 1930) et le 4ème accessit au concours général de physique (juin 1931).

Il réussit le Bac sciences (mention TB) et en septembre le Bac de philo (mention B) en 1931.

Il quitte le lycée en ayant eu sept fois le prix d'excellence.

 

Vacances en Bretagne (1930) Jean en 1934 (20 ans)

Jean (16 ans), Alice, Félix et Annette

 

En 1933, il est reçu à sa première tentative - en « carré » - 26ème sur 350 candidats à la prestigieuse école Normale Sup (ainsi qu'à Polytechnique qu'il laisse de côté).

Il y entre en octobre 1933 à l'âge de 19 ans ; il y a seulement 20 reçus (il est choisi du fait de quelques démissions – la plupart des élèves avait une année de plus de préparation).

Parmi ses camarades de promotion, Colmez un autre nancéien qui sera aussi professeur du supérieur et surtout Lichnerowicz qui deviendra professeur au collège de France et membre de l'Institut.

Jean réussit le concours de l'agrégation (4ème) en 1936. Il devient chargé de Travaux Pratiques à la faculté des sciences de Nancy en septembre 1938.

Il est nommé professeur de mathématiques en « math sup » au lycée Poincaré : de 1942 (à son retour de captivité - voir plus loin) à 1944 (son père y finissait alors sa carrière).

Il entre au CNRS en mai 1945 ; il passe sa thèse d'état de doctorat de mathématique à la Sorbonne (mention TB) (« contribution à l'étude de l'aile portante »).

 

 

Jean pensait-il alors à son sujet de thèse sur « l'aile portante » ?


Jean (au centre en blouse blanche) parmi ses élèves de Math Sup au lycée Henri Poincaré (1943)

 

Hyménée

 

Le 10 avril 1938, Jean demande en mariage Madeleine Denise Augustine Moreau, fille de Léon Moreau, ingénieur des ponts et chaussées et de Marthe François.

Jean l'avait connue durant l'hiver chez des amis de Madeleine – ce fut un « coup de foudre » remarqué par tous.

Le 22 septembre 1938, ce sont les fiançailles officielles.

 

Fiançailles

 

Le 11 avril 1939, a lieu le mariage à l'église Saint-Joseph. Il a 24 ans, elle 19 ans.

 

Le 11 avril 1939, amour rime avec toujours

 

Le couple s'installe au 15 rue du Sergent Blandan à Nancy jusqu'à la mobilisation.

 

Au 15 rue du Sergent Blandan, Jean jouant de l'accordéon

 

La guerre et la captivité

 

En septembre 1939, la guerre est déclarée, c'est le départ pour l'école d'application de Fontainebleau puis pour Biscarosse (dans les Landes) avec Madeleine. Compte tenu de ses compétences, Jean comme tous les normaliens scientifiques est versé dans l'artillerie.

 

Lieutenant - Bicarosse 1939

 

Le 2 février 1940 : départ au front ; sa batterie de canons anti-aériens est installée à Crévic près de Dombasle pour protéger les usines Solvay (mais ne sert quasiment pas car les canons tiraient jusqu'à 4000 m et les avions passaient à 6000 !).

A la fin de la guerre, Jean est fait prisonnier le 20 juin 1940 à Rambervillers (Vosges), envoyé à Reding près de Sarrebourg, puis transféré en Allemagne à Lubben à 80 km au sud de Berlin.

 

Jean, prisonnier au camp de Lubben (numéro 1363)

 

Il est renvoyé en France en août 1942 pour raison de santé (simulation de la schizophrénie) (voir les anecdotes).

En 1940, Madeleine part avec sa sœur Janine et sa grand-mère maternelle pour Guéret (en Creuse, d'où son père était originaire) ; puis revenues à Paris, elles sont logées plusieurs mois chez un oncle de Jean ; enfin retour à Nancy.

 

Bernard, Christiane

 

Le 24 juin 1943, naissance de Bernard à Nancy (au 133 rue de Mont Désert chez les parents de Madeleine).

 

Jean, Madeleine et Bernard (septembre 1943)

 

En mai 1944, départ pour le village de Velle à cause des bombardements sur Nancy.

Mais Velle fut aussi bombardé (deux nuits infernales dans une cave). Une bombe est tombée sur la chambre où son fils dormait mais qui l'avait quittée deux heures auparavant (voir les anecdotes).

Le 11 novembre 1944, naissance de Christiane, son deuxième enfant.

 

Christiane, Madeleine, Bernard Jean avec Christiane


En avril 1945, la famille (avec la grand-mère maternelle de Madeleine - appelée par tous « Lala ») quitte l'appartement de la rue Jeanne d'Arc pour un autre, plus vaste, au 57 bis rue de la commanderie.
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La suite de la vie et de la carrière à Nancy

 

De 1947 à 1952, Jean est nommé chargé de cours de mathématiques générales à Besançon (chaque semaine, il quittait Nancy du lundi au jeudi).

Le 18 novembre 1952, Jean est nommé maître de conférences à Nancy.

En 1955, il est nommé professeur titulaire en mécanique rationnelle.

En 1959, Jean crée le Centre de Calcul Automatique de Lorraine (par la suite celui-ci deviendra le CRIN et plus tard le LORIA) (voir la seconde partie).

En 1961 : déménagement au 14 rue Aristide Briand.

En 1965 : construction du chalet de Courchevel (dans le petit village à 1550) où toute la famille s'est retrouvée si souvent. C'est un de ses amis, Jean Collignon, professeur au lycée Poincaré qui l'a convaincu d'acheter un terrain à cet endroit.

Décorations de plus en plus élevées pour Jean : Palmes académiques : chevalier en 1950, officier en 1955, commandeur en 1971. En 1966, il est nommé chevalier de l'ordre du mérite national (voir plus loin le texte de l'allocution prononcée par le professeur Barriol).

28 septembre 1967 : je passe ma thèse de doctorat de médecine pour m'orienter ensuite vers la biophysique et l'informatique.

Mai 1968 : Alice et Félix quittent Nancy pour habiter chez leur fille à La Rochette. 

Novembre 1968 : thèse de Christiane - doctorat de troisième cycle en mathématiques appliquées. Elle devient alors assistante à la faculté qu'elle quittera ensuite pour le privé où elle s'occupera de projets informatiques dans diverses sociétés. 

16 avril 1970 : Christiane épouse Vincent Torresi - en 1971 : naissance de leur fille Sophie (le 13 février) et en 1973 (le même jour !) d'Antoine, leur fils.

24 février 1973 : j'épouse Violette Boucher, originaire de Lyon.

 

Bernard, Violette et Jean au mariage de son fils (février 1973)

 

20 septembre 1973 : naissance de Frédérique, ma fille et mon premier enfant (viendront ensuite, Jean-François – 4 août 1976 – et Matthieu – 12 décembre 1980 ­).

30 novembre 1975 : mort d'Alice, la mère de Jean.

A partir de 1967, Jean travaille notamment avec le professeur Martin (mon patron en médecine) (et Mlle Monot, une de ses premières étudiantes) puis avec moi, dans diverses directions en rapport avec la médecine : traitement mathématique des scintigraphies (lissage, déconvolution), optimisation des doses en radiothérapie.

En 1982, Jean est fait officier de l'ordre du mérite national.

 

1982 - Officier de l'ordre du mérite national (le doyen Aubry est son parrain)

La retraite officielle

 

En octobre 1982, à l'âge de 68 ans, c'est l'heure de la retraite officielle (on lui propose la légion d'honneur mais il refuse – il m'a avoué plus tard que c'est parce qu'il n'aimait pas les discours..) ; ses élèves fêtent cet « au revoir » avec beaucoup de chaleur au cours d'une « journée-croisière » sur la Moselle. (Elle fait l'objet de la troisième partie de l'ouvrage)

Toutefois Jean continue de travailler (un dernier contrat porte sur le traitement des images du scanner) et toujours aussi avec moi : développement de programmes sur micro-ordinateur (il vient les après-midi au Clos de Médreville chez moi pendant que Madeleine joue au bridge) ; il aide à la mise au point de logiciels pour la médecine (BACTERIO, PMSI) mais aussi pour son club de bridge.

En 1989, a lieu une grande fête avec la famille et de nombreux amis pour les 50 ans de mariage du couple.

 

50 ans de mariage (1989)

Bernard, Jean, Madeleine et Christiane


Jean passe ses vacances souvent en famille (avec enfants et petits-enfants) dans son chalet de Courchevel (il pratiqua le ski jusqu'à 75 ans).

 

Préparation pour le ski (Courchevel - 1977)

Violette, Madeleine, Jean, Frédérique

 

L'été - il a découvert le charme de la Corse - il apprécie le camping des Ilots d'Or près de Porto-Vecchio ; il aime musarder en bateau à l'intérieur du magnifique golfe et naviguer d'une plage à l'autre.

 

avec Matthieu et Jean-François (Corse -1986)

  Le 17 mars 1996 (Jean est âgé de 82 ans), c'est un jour de grand malheur marqué par le décès de sa femme. Madeleine nous a quittés à la maison en présence de son mari et de ses enfants (après une courte maladie où elle a peu souffert).

 Après ce deuil, Jean prend l'habitude de venir manger fréquemment chez moi ; il fait de l'informatique plusieurs après-midi par semaine (il participe à l'écriture d'un logiciel d'analyse de la pression artérielle ambulatoire).

En 1998, il se lance avec moi dans l'écriture d'un gros logiciel (SESIM écrit sous « Delphi » qu'il apprend à 84 ans !!).

Il se rend au club de bridge une fois par semaine (il cessera en 2000).

 

Jean découvre « les joies » de la programmation moderne sur micro

développement sous « Delphi » de logiciels, avec et chez son fils (photo prise en 2000)

  En septembre 2002, naît Gaspard, le fils de Sophie, son premier arrière-petit-fils, en mai 2005, le second vient au monde : Mathis, le fils de Matthieu.

 

Quatre générations Legras réunies (2005)

Jean, Bernard, Matthieu, Mathis

 

En 2004, il fête avec ses enfants, petits-enfants et amis ses 90 ans.

En 2008, il vit toujours chez lui au 14 rue Aristide Briand à Nancy.

Il n'a pas perdu ses capacités intellectuelles et a conservé une grande curiosité. Comme l'écrit Philippe Claudel dans le rapport de Brodeck à propos du vieil instituteur : « Il ne quitte plus guère sa maison, mais le temps glisse sur sa cervelle sans l'entamer ni la ronger. »

Additif (2012) :

En mars 2009, après une hospitalisation pour une bronchite sévère, Jean quitte son appartement pour la maison de retraite du Charmois à Vandoeuvre.

En août 2011, il est victime d'une angiocholite dont il ne récupère pas. En décembre, il décide que sa vie a assez duré. Il décède le jeudi 5 janvier 2012.

Ses obsèques ont eu lieu à la basilique du Sacré-Coeur le 9 en présence d'une foule nombreuse.

 

Les 90 printemps sont fêtés en 2004

Jean et Christiane

 

Les voyages

 

Jean ne raffolait pas des voyages à l'étranger ; il aimait parcourir la France, particulièrement l'été en caravane.

Toutefois, son travail l'a conduit à se rendre plusieurs fois en dehors de France.

 

Principaux séjours  « prolongés » à l'étranger, pour le travail :

- Rome : une semaine avec Madeleine à l'occasion d'un congrès

- Bucarest : une semaine avec Madeleine à l'occasion d'un congrès

- Cambodge : trois semaines. Jean a été invité par le ministère des affaires étrangères à la suite d'une demande formulée par l'un de ses élèves, Chau Nearkasen. Jean et Madeleine étaient logés à l'Université et Jean a fait quelques conférences.

 

Les contrats

 

- En début de carrière, Jean a traduit en français quelques articles de mécanique pour le CNRS

- Peu après, il eut un contrat pour déterminer les caractéristiques des amplificateurs du câble téléphonique sous-marin qui devait être installé entre Marseille et Alger. Il fit les calculs l'été à l'aide d'une petite calculatrice.

- Ensuite, démarra une époque fructueuse d'un long contrat avec la société SOLLAC. Jean supervisait des thèses d'ingénieur choisies en collaboration avec les ingénieurs de la société (et notamment M. George).

- Après la retraite, il étudia dans le cadre de deux petits contrats : l'un avec Pont-à-Mousson, une optimisation des hauts fourneaux et l'autre avec la CGR, le traitement des images de scanner.


Jean et ses enfants

 

Jean Legras fut un père exceptionnel, très moderne pour son époque, par son ouverture d'esprit, qui s'est occupé remarquablement bien de ses enfants.

Il m'a donné le goût des études, celui des mathématiques et également du sport que lui-même pratiquait avec plaisir : le ski, la natation, le patinage, le canoë, et même le judo…

Jean et Madeleine ont aimé beaucoup le camping où ils rencontraient de nombreux amis de Nancy, souvent enseignants au lycée Henri Poincaré (familles Girard, Collignon, Georges, Jacquot…). Violette et moi avons suivi cette voie.

Les photos rassemblées évoquent cette période heureuse.

 

Jean me transporte en vélo (1944)

 

Jean m'apprend la marche arrière en patins à glace

Photo prise à la Pépinière et parue dans l'Est Républicain (1956)

 

 

Jean et Madeleine préparent un canoë Dans leur caravane

 

Toujours ensemble

 

Madeleine, Frédérique, Bernard, Jean dans les Vosges (1977)

 

 

Jean console Sophie (1972) Avec ses cinq petits-enfants et Christiane

dans le chalet de Courchevel (1991)

 

Un bon danseur Un mari tendre


Quelques anecdotes

 

La « folie » en captivité

Un an et demi après avoir été fait prisonnier, Jean décida de simuler la folie pour être rapatrié (Madeleine l'avait poussé à tenter l'évasion mais il y avait renoncé, notamment parce qu'il ne parlait pas couramment l'allemand). A l'adolescence, Jean avait lu un livre dans lequel quelqu'un utilisait ce procédé et il décida de l'imiter. Un normalien littéraire lui fournit quelques informations sur la schizophrénie. Il fit part de sa décision à un ami dans le campement (M. Casemajor, instituteur à Limoges) et commença à prévenir sa femme par lettres. Mais il fallait faire preuve de beaucoup de prudence car le courrier était lu par les Allemands. Jean annonça son projet à mots couverts en se référant à « Maréville » (l'hôpital psychiatrique de Nancy). Puis, pendant près de six mois, il cessa de parler si ce n'est pour proférer des phrases dépourvues de sens (il se mettait un anneau de fer autour de la tête et racontait que c'était pour se protéger des martiens). Mais un grave danger l'a guetté. On a voulu soigner sa « psychose » par une cure de Sakel (injection d'insuline qui entraînait un coma censé améliorer l'état cérébral mais qui présentait de gros risques). Jean a été amené à avouer sa simulation au médecin français qui s'occupait des prisonniers et celui-ci a rejeté ce traitement en arguant d'un rythme cardiaque trop rapide.

En août 1942, soit un peu plus de deux ans après le début de la captivité, Jean est rapatrié pour raison de santé. Ce fut une grande chance ; il fut l'un des derniers à pouvoir l'accomplir, les Allemands ayant interrompu tout rapatriement sanitaire d'officiers, à la suite de l'évasion du général Giraud.

 

Les bombardements de Velle

En mai 1944, Jean, Madeleine, sa sœur, sa grand-mère et son fils nouveau-né quittèrent Nancy pour le village de Velle, (au sud de Nancy et bord de la Moselle), par crainte des combats sur la ville. Ils logeaient dans une maison prêtée par M. Herisson, un architecte, ami du père de Madeleine.

En juin, une rafle de la gendarmerie allemande (mais heureusement, pas de la Gestapo) eut lieu, suite à des actions de résistance. Jean fut embarqué à la prison Charles III à Nancy avec d'autres dont il partagea la pièce… et les puces, pendant une nuit. Le lendemain, après vérification et les excuses de l'officier allemand, il fut libéré. Mais cette péripétie eut une conséquence, peut-être essentielle.

En effet, à cette occasion, il lia connaissance avec le propriétaire du château de Velle. Or, peu de temps après, début septembre, après un bel été occupé par des baignades et des promenades en canoë, les alliés qui avançaient vers Nancy pour la libérer, se mirent à bombarder les places allemandes situées le long de la Moselle. Le « chatelain » proposa alors à Jean de venir se réfugier avec sa famille, dans la cave bien protégée de sa demeure. Bien lui en prit, puisqu'un des premiers obus tomba sur la chambre où je dormais deux heures auparavant !

Deux nuits infernales. Le bombardement toucha le château, un incendie se produisit et la cave se remplit de fumée. Le petit groupe partit en pleine nuit, en courant, sous les bombes, pour rejoindre une autre cave à quelque distance de là.

 

Les fantaisies au Parc Sainte-Marie

En 1943, les pères s'occupaient relativement peu de leurs enfants, contrairement à aujourd'hui. Ils avaient moins de temps de libre et les mœurs différaient. Jean était très en avance sur son époque. Témoin, ce qui s'est passé en septembre 1943 et immortalisé par une photo où Jean s'amuse avec moi, âgé de trois mois, en me balançant au bout du pied. Il paraît que cela scandalisa les dames présentes.

 

La gymnastique au parc Sainte-Marie (septembre 1943)

 

Sauvé par Lala

J'étais un enfant turbulent, parfois pénible et j'ai reçu quelques fessées. Mais, j'ai été sauvé de bien d'autres, parce que « Lala », la grand-mère maternelle de Madeleine qui vivait chez nous ne supportait pas de me voir pleurer. Elle souffrait d'angine de poitrine et quand la sanction devenait imminente pour moi, elle criait « Jean, arrêtez, mon cœur… ». Cela a souvent été fort efficace.

Mon père acceptait très bien la présence de Lala qui était discrète et … dure d'oreilles. Surtout, elle rendait beaucoup de services ; par exemple, elle nous gardait, Christiane et moi, les dimanches lorsque les parents partaient skier avec le club alpin dans les Vosges.

Lala a passé des vacances dans la caravane familiale jusque vers 80 ans. Sur le premier film en couleur tourné par mon père à Tonnoy en 1956, on la voit sortir de la caravane pour se rendre à la messe avec Madeleine et moi (Sur la séquence suivante, la famille Legras est réunie avec de bons amis, les Bahut et je m'amuse à faire des prises de judo à leur fille Françoise - devenue plus tard Mme Nicolas et maire de Vandœuvre).

 

Les leçons de ski à la Schlucht

Mon père m'a appris à skier dès l'âge de six ans (1949) sur la piste de la Schlucht dans les Vosges (Christiane avait alors quatre ans et du fait de notre jeune âge, nous impressionnions beaucoup les autres skieurs…).

Tous les dimanches d'hiver, quel que fût le temps (à l'époque, la neige était abondante dès Noël – et parfois bien avant), nous (ma sœur et moi) étions réveillés par les parents dès potron-minet (ou presque) pour pouvoir arriver de bonne heure sur place. Dieu, que cela était pénible de sortir du lit si tôt, dans une chambre non chauffée dont les vitres étaient toutes givrées.

La première montée à la Schlucht se faisait toujours à « peau de phoque » et nous regardions avec beaucoup d'envie ceux qui prenaient le remonte-pente (une « ancre » pour deux personnes - assez spéciale).

Ensuite, notre père nous arrêtait aux deux tiers de la pente (en lisière de la forêt), tassait la piste si nécessaire et nous expliquait comment l'on pratiquait les virages. Et pourtant, il était loin d'être un expert (il n'a jamais réussi à déraper parfaitement) mais il avait lu dans les livres comment faire. Et avec nos grands skis en bois, on s'entraînait à la « méthode Emile Allais » (un de nos anciens champions olympiques) : « Appel, rotation, agenouillement », méthode géniale où pour s'alléger (et donc tourner), on s'écrasait au lieu de se lever… Au bout d'une heure, nous avions la permission d'utiliser la remontée mécanique.

Le matériel était médiocre, mes pieds gelaient souvent dans mes chaussures de ski en cuir et je me souviendrai toujours de certaines fois où mon père massait mes pieds glacés qui devenaient si douloureux quand le sang y circulait à nouveau.

 

Les dessins des Beaux-Arts

Pendant quelques années, mon père a donné des cours de géométrie dans l'espace aux étudiants de l'école des Beaux-Arts de Nancy et notamment leur exposait les règles de la perspective. A la fin de l'année, les étudiants remettaient un dessin qu'il devait noter et où il devait prendre en compte l'aspect artistique. C'était un moment fort délicat et il sollicitait les avis des membres de la famille afin de l'aider dans cette tâche, beaucoup plus ardue que de noter un problème de mathématiques…. La soirée se passait à juger les œuvres produites et à les classer…

 

La préhistoire de l'informatique : le tableau de connexion

En 1957, mon père obtint de la compagnie IBM, un 604 ; il s'agissait d'une machine programmée par un tableau de connexions avec 12 mots de mémoire. Jean démarra avec Marion Créhange, alors étudiante de son cours de mécanique rationnelle, l'utilisation de cette machine, ancêtre de l'ordinateur (puisque le programme n'était pas enregistré). Celle-ci a raconté les manipulations que j'ai vues faire à la maison et qui m'impressionnaient beaucoup :

« Cette machine se programme en reliant par des fils munis de fiches des trous d'un tableau de connexions. Ce n'est pas évident de s'y reconnaître parmi plus de 200 fils sur un tableau d'environ 30 cm x 40 cm. Les fiches sont coincées par des confettis, si bien que quand le programme doit être démonté pour libérer le tableau de connexion pour un autre programme, il faut tirer fort sur les fiches une à une pour les extraire ; tellement fort que, chaque fois, la fin du démontage nous voit avec les doigts en sang ! ».

 

Les explications mathématiques

Mon père ne cherchait presque jamais dans un livre pour fournir des explications. Il disait : « Cela va plus vite à retrouver soi-même ». Il prenait une feuille et un stylo et commençait à expliquer en écrivant. Toujours très structuré, très précis et très clair. Avec une question classique : « T'as pigé ? ».

J'eus la chance et le plaisir d'apprécier ses talents pédagogiques à la faculté des sciences car j'ai suivi le certificat de mécanique rationnelle qu'il enseignait, pendant ma première année de médecine (il m'avait poussé à compléter mes connaissances scientifiques par une licence de sciences - la maîtrise n'existait pas - qui fut acquise pendant mes études médicales, à raison d'un certificat par an, certificat que je révisais l'été et passais à la session de septembre).

Il avait l'habitude de faire passer des étudiants au tableau, ce qui les angoissait parce qu'il était moqueur (mais cela les poussait à ne pas se faire remarquer). C'était le bon temps pour les enseignants !! (petites promotions très calmes – j'ai connu l'opposé avec les cours de statistique en première année de médecine dans un amphi plein comme un œuf rempli de 600 étudiants bruyants et volontiers chahuteurs..).

J'ai retrouvé une page écrite de sa main. Je l'ai scannée pour ne pas oublier sa façon de présenter les choses.

Une page d'explication écrite par Jean

 

Le judo

« mens sana in corpore sano » - un esprit sain dans un corps sain – s'applique bien à mon père qui a pratiqué de nombreux sports  : la natation dès l'adolescence (il nagea jusqu'à un âge tardif et dans ma jeunesse à Croix-Valmer, je l'ai vu réaliser des distances de plusieurs kilomètres presque tout en crawl), l'équitation à Normal Sup, le ski (il l'apprit avec le club alpin et le pratiqua fort longtemps), le patinage sur glace, le tennis, le canoë,…et le judo.

 

Un vrai cavalier (1933)

 

Il débuta le judo à peu près en même temps que moi, vers les années 1953 dans le club de « maître » Mennessier, (pionnier de ce sport en Lorraine) au dernier étage des Magasins Réunis à Nancy. Il pratiqua quelques années jusqu'à obtenir la ceinture bleue. Il eut l'occasion d'y rencontrer le professeur Lepoire, célèbre neurochirurgien nancéien. Mais mon père n'avait plus le squelette souple et résistant des jeunes et, pour le ménager, il se limitait à la technique et à l'apprentissage des prises, sans s'adonner aux combats et aux chutes parfois brutales.

Mais il a utilisé ces connaissances car, sur quelques vieux films, on le voit exécuter quelques prises de hanche … sur certaines amies de la famille qui poussaient des petits cris...

Dans ce domaine du sport, je mets de côté le bridge qui est un sport... intellectuel, où il excellait et qu'il a même un peu enseigné, ainsi que la danse (il avait pris des leçons vers dix huit ans - il dansait fort bien la valse et le tango en serrant fortement ses cavalières qui, à ma connaissance, ne se sont jamais plaintes…).

 

Ski dans les Vosges ( Schlucht - 1947)

Madeleine, Jean et des très bons amis : Francy et « Matou » Mangin

 

Le bricolage et la photo

Mon père aimait beaucoup travailler de ses mains (« J'aurais du être physicien », disait-il parfois, et l'on comprend mieux qu'il ait préféré les mathématiques appliquées).

Il bricolait avec plaisir et je l'ai vu construire des lits superposés et la rampe d'escalier dans le chalet de Courchevel.

Dès l'adolescence, mon père fut très attiré par la photo. Je me souviens quand il installait son matériel dans la salle de bain ; je m'amusais à le voir préparer les produits et développer ses photos.

Pendant la guerre, revenu à Nancy, il lui est arrivé de tricoter des barboteuse !

 

Les vacances studieuses à Croix-Valmer

Mon père prenait de longues vacances d'été (elles furent raccourcies quand il devint directeur du centre de calcul). On partait fin juin, souvent une semaine avant la fin de l'année scolaire pour gagner au plus vite le camping « GCU » (Groupemement des Campeurs Universitaires – réservé aux enseignants) à Croix-Valmer (près de Cavalaire). Les places y étaient précieuses car il n'y avait que trois camps GCU sur cette côte de la méditerranée. (Les instituteurs n'appréciaient pas du tout ce départ anticipé, surtout venant d'un enseignant qui était censé montrer le bon exemple). Mes parents y retrouvaient des amis de Nancy. Ils firent connaissance de la famille Montet dont la fille brillante devait par la suite venir à Nancy passer sa thèse avec mon père et devenir une informaticienne reconnue sur le plan international, sous le nom de Roland (voir ses souvenirs ci-dessous et la troisième partie).

Les vacances de mon père étaient studieuses. J'étais impressionné en le voyant chaque matin s'installer à l'écart dans la caravane pour y travailler à l'écriture de ses livres.

 

Un souvenir de Colette Roland

Jean Legras possédait une faculté d'abstraction légendaire que chacun de nous au laboratoire devait acquérir. Bien sur, celle-ci s'appliquait d'abord à nos recherches et à la résolution de problèmes compliqués, mais aussi dans la vie quotidienne. Jean pouvait travailler avec efficacité dans toutes sortes d'environnements, étonné que cette aptitude ne soit pas donnée à tous.

Il avait l'habitude de me convier à travailler sur les sujets les plus difficiles le dimanche matin dans l'appartement familial, prétendant que c'était plus calme. Que nenni ! D'abord le salon était envahi par la musique classique que Jean adorait ;  mais comme chacun sait aussi qu'un degré de sonorité élevé est ce qui lui convient, nos échanges sur les équations de la chaleur se déroulaient au niveau sonore d'un pugilat. Evidemment, il fallait compter avec Christiane et Bernard qui n'étaient jamais d'accord et le faisaient savoir assez fort, sur Madeleine qui venait se plaindre que ce n'était pas une heure pour travailler, et sur la TV qu'il fallait absolument allumer pour écouter tel ou tel. Dieu merci, il n'y avait ni chien ni chat ! Voyant mon air déconfit, Jean me répétait : « Colette, il faut savoir s'abstraire du bruit, faire le sourd et se concentrer sur l'essentiel ». Je n'ai jamais oublié depuis, que l'abstraction est effectivement l'aptitude à se concentrer sur l'essentiel en oubliant les détails qui ne sont pas significatifs à ce moment présent d'un raisonnement. J'ai appliqué avec succès bien des fois cette leçon et tenté de la transmettre à mon tour, à bien des reprises.

 

Les débuts du Centre de Calcul par Danielle Marchand

Quand je suis arrivée en septembre 1963, nous étions au 13 place Carnot au premier étage ; nous avions une seule pièce qui contenait l'imposant ordinateur,  très sonore avec le bruit de la ventilation de l'unité centrale et surtout de la tabulatrice qui imprimait les résultats. La tabulatrice était composée de panneaux avec des fils, qu'il fallait disposer selon le programme que réalisait la personne.

A l'époque, nous avions les ingénieurs des Eaux et Forêts qui venaient faire des programmes, et ceux des écoles : ENSEM, ENSIC, etc... Nous disions le CUCA (Centre Universitaire de Calcul Automatique).

Nous avions à notre disposition le bureau de Jean Legras, et nos machines à écrire IBM, qui étaient disposées sur des tables. Nous étions à l'époque trois secrétaires pour huit étudiants...

Nous avions aussi une perforeuse, pour perforer les cartes qui devaient passer dans l'IBM 650.

Les langages étaient  ALGOL 60 (pas facile), FORTRAN (plus simple) et PASO (l'idéal à perforer). Nous avions une carte maîtresse que nous mettions sur un petit cylindre suivant le langage à perforer.

Nous disposions aussi de deux pièces au 15 place Carnot, une grande salle qui servait de salle de réunions ; s'y trouvait aussi le photocopieur, et les machines, Gestetner pour imprimer les thèses, ainsi que la relieuse. Nous devions déposer de la colle sur de la gaze spéciale pour encoller le dos des documents. Dans une petite pièce attenante se trouvait la machine écrire IBM, modèle à boule, pour changer les caractères et imprimer les signes mathématiques.
Pour certaines thèses, nous allions chez IBM à Metz pour passer les programmes ; une fois nous sommes partis avec Michel Cusey le matin, nous sommes rentrés à 4 heures du matin (il était jeune marié, son épouse était très inquiète de son retard).

Les thèsards passaient la nuit pour obtenir leurs calculs, un fauteuil relax était disponible pour ces personnes, il fallait réserver sa nuit à l'avance. Malgré l'étroitesse des lieux, nous vivions dans une excellente ambiance. En mai 1964, nous avons emménagé, avenue de la libération, dans les locaux du TLF (Trésor de la Langue Française).

Le directeur et les secrétaires avaient leurs bureaux séparés, et la machine était seule dans une pièce climatisée... avec des détecteurs de fumée, qui au début se déclenchaient souvent. Peu de temps après, nous avons eu la CAE 510, qui n'utilisait plus de cartes perforées, mais des rubans perforés ; c'était moins pratique quand il fallait faire des modifications, nous avions des « flexowriter » pour perforer et refaire les modifications ; ces rubans avaient entre 3 et 4 cm de large, mais pouvaient être très longs. Et ils se déchiraient facilement…


Généalogie

Quatre générations à partir de Bernard

 

Nom

Naissance

Lieu

Conjoint

Union

Lieu

Décès

Lieu

Age

Génération 1

1

Bernard LEGRAS

24.6.1943

Nancy

Violette BOUCHER

24.2.1973

Nancy

 

 

 

Génération 2

2

Jean LEGRAS

12.7.1914

Soissons

Madeleine MOREAU

11.4.1939

Nancy

 

 

 

3

Madeleine MOREAU

20.11.1919

Nancy

Jean LEGRAS

11.4.1939

Nancy

17.3.1996

Nancy

76

Génération 3

4

Félix LEGRAS

4.8.1885

Ambacourt

Alice BOURCIER

10.4.1912

St Dié

19.3.1971

Montmélian

85

5

Alice BOURCIER

11.3.1888

St Dié

Félix LEGRAS

10.4.1912

St Dié

30.11.1975

La Rochette

87

6

Léon MOREAU

6.4.1881

Jarnages

Marthe FRANCOIS

22.4.1919

Nancy

3.2.1972

Nancy

90

7

Marthe FRANCOIS

27.9.1896

Vézelise

Léon MOREAU

22.4.1919

Nancy

29.9.1973

Paris

77

Génération 4

8

Joseph LEGRAS

13.3.1851

Bouxurulles

Julienne RAMBAUD

Marie BEGUIN

16.11.1875

• 7.9.1907

Vittel

Ambacourt

25.9.1933

Ambacourt

82

9

Julienne RAMBAUD

9.4.1849

Vittel

Joseph LEGRAS

16.11.1875

Vittel

9.2.1907

Ambacourt

57

10

Alfred BOURCIER

19.10.1857

Vignot

Jeanne MANGEONJEAN

28.4.1886

St Dié

5.7.1943

St Dié

85

11

Jeanne MANGEONJEAN

12.3.1859

St Dié

Alfred BOURCIER

28.4.1886

St Dié

11.2.1932

St Dié

72

12

Blaize MOREAU

27.12.1852

Gouzougnat

Marie Denise POTY

1.12.1879

Jarnages

21.1.1937

Jarnages

84

13

Marie POTY

24.6.1855

Jarnages

Blaize MOREAU

1.12.1879

Jarnages

29.3.1942

Chambon

86

14

Auguste FRANCOIS

3.10.1863

Gondreville

Jeanne BESSERER

5.9.1893

Vézelise

23.7.1912

Nancy

48

15

Jeanne BESSERER

20.9.1869

Vézelise

Auguste FRANCOIS

5.9.1893

Vézelise

25.4.1957

Nancy

87

 

L'origine connue des Legras remonte à Outrancourt (à côté de Vittel) où en 1663 naquit Augustin Legras, fils de Jean Legras (quelle coïncidence !) et de Marie Martin. Cet ancêtre venait sans doute de l'ouest de la France et rejoignait la Lorraine qui manquait alors de bras.

Quand Jean allait rendre visite à ses grands-parents à Ambacourt (près de Charmes), le repas comprenait habituellement un pot-au-feu. Pour cette raison, quand il mangeait ce plat en famille, il disait « le pot-au-feu d'Ambacourt » et nous avions une petite pensée pour Joseph Legras.

Celui-ci fut le premier d'une belle lignée d'enseignants : instituteur lui-même puis Félix son fils (professeur du secondaire en mathématique), Jean (professeur de faculté en sciences), Bernard (professeur de faculté en médecine), Frédérique ma fille aînée (5ème génération - professeur du secondaire en activités physiques).

 

Joseph Legras (1851-1933)

 

Félix Legras a enseigné les mathématiques au lycée Poincaré à Nancy pendant de nombreuses années. Il avait la réputation d'être un professeur extraordinaire. C'était un homme sévère. Mon père n'eut le droit de toucher au poste de radio qu'en Math Sup !

Alice Legras, était la fille de Jeanne Bourcier dont le père Jean-François Mangeonjean fut inspecteur primaire puis maire de Saint-Dié (1890-1996). En 1961, elle reçut le grand prix des poètes lorrains pour un recueil de poésies, « quand pâliraient vos yeux ». Outre ses dons littéraires, elle peignait fort honorablement.

 

 

PARTIE II

 

JEAN LEGRAS :

 

SES TRAVAUX

 

ET L'AVENTURE INFORMATIQUE

 

Le début de l'informatique

Cartes perforées, support des programmes et des données

 

Jean Legras et l'aventure informatique

 

André RENAUD

 

L'article a été écrit par A. Renaud en 1995 après une série d'entretiens avec Jean Legras mais édité seulement en 2003 dans le « Pays Lorrain »,

sans les encadrés prévus initialement

.

 

Evidemment, on ne peut pas ne pas penser que Jean Legras était programmé pour enfanter l'informatique en Lorraine. Issu d'une famille adonnée à l'enseignement depuis plusieurs générations à Mirecourt et à Saint Dié, fils d'un professeur de mathématiques, son entourage et lui-même n'envisageraient d'autre vocation et le parcours était comme déjà tracé dès sa naissance, le 13 juillet 1914 à Soissons où son père était en poste à la veille de la guerre.

Après celle-ci son père fut nommé à Nancy et Jean Legras fit toutes ses études au Lycée Henri Poincaré, y compris la préparation à l'Ecole Normale Supérieure où il entra à dix neuf ans en octobre 1933. Il fut quatrième à l'agrégation de mathématiques en juillet 1936 et, après sa quatrième année d'Ecole, obtint une bourse Arconati (1937-1938) puis une bourse doctorale (1938-1939) qui prit la forme d'une nomination, le 19 novembre 1938, de chef de travaux à la Faculté des Sciences de Nancy en remplacement de Marx, nomination seulement due à un travail d'examinateur à l'Ecole des Mines.

Elève du célèbre mécanicien Joseph Pérès, Jean Legras avait donné les premiers résultats de ses études sur l'aile portante le 28 mars 1938 à l'Académie, dans un compte rendu « Sur une équation intégrale à partie principale » (encadré 1).

 

 

Manifestant sa foi dans l'avenir malgré la nouvelle guerre prévisible, il épousa Mademoiselle Madeleine Moreau le 12 avril 1939. Mais dès le 16 septembre il entamait un long service militaire, d'abord à l'intérieur jusqu'au 31 janvier 1940, puis en zone des armées. Cela n'interrompit pas son travail au début, ce qui se montra dans un deuxième compte rendu, le 4 mars 1940, « sur un cas de résolution explicite de l'équation de l'aile portante » (encadré 2). Cependant les combats de mai-juin furent fatals à ses travaux de thèse, tous perdus avec la cantine de l'auteur, lui-même fait prisonnier le 20 juin.

 

 

Suivirent deux rudes années auxquelles Jean Legras mit fin en simulant la folie (voir les anecdotes).

De retour le 28 octobre 1942, Jean Legras fut aussitôt nommé professeur de mathématiques supérieures au lycée de Nancy, poste qu'il occupa deux ans avant d'être détaché au CNRS le 30 septembre 1944. Il fallait reconstituer toutes les archives perdues.

Le travail et la famille éclairèrent ces années difficiles, son fils Bernard né le 24 juin 1943 et sa fille Christiane le 11 novembre 1944.

Deux comptes rendus à l'Académie marquèrent le retour à la vie normale, le 5 mars 1945 : « Contribution à la théorie de la surface portante » et le 20 août suivant : « Généralisation de la théorie du segment portant au cas de l'aile en dérive », que Legras compléta dans un rapport au Congrès de l'Aviation française d'avril 1945, sur la « Généralisation de l'équation de Prandtl au cas de l'aile en flèche » (encadré 3). La concrétisation de ces travaux intervint le 6 mai 1946, soutenance de sa thèse « Contribution à l'étude de l'aile portante », qui fut publiée par le Ministère de l'Air en 1949.

 

« Cet excellent travail témoigne, et il n'est point le seul à porter ce témoignage, de l'effort confiant et efficace des jeunes qui, aux moments les plus sombres, ont toujours escompté une renaissance de l'Aérodynamique française » (J. Pérès).

Dix années encore, Jean Legras s'attachera ainsi à étendre nos connaissances en mécanique des fluides, qu'il s'agisse de « l'aile étroite en V » au congrès de Mécanique Appliquée de Paris en septembre 1946, de « l'influence de l'attaque oblique et de la non-permanence du mouvement » publié aux Cahiers d'Aéronautique en octobre 1947, ou de « l'étude théorique de l'effet de puits » dans un compte rendu du 5 mai 1947, ou des « efforts aérodynamiques sur un profil en mouvement oscillant amorti » dans un compte rendu du 10 octobre 1949 qui examine l'écoulement plan incompressible autour d'un profil mince.

Il publiera également plusieurs articles dans « la recherche aéronautique » sur l'hélicoplane et sur l'aile en flèche. On notera encore les trois comptes rendus de 1951-1952 sur la méthode de Lighthill et ses applications à l'étude des ondes de choc (encadré 4) et ses travaux sur l'aile élancée de 1954 : « la première approximation modifiée » et « la seconde approximation de l'aile élancée en écoulement subsonique ».

 

Toutes ces études ne sont pas seulement théoriques. D'une part l'application numérique n'est jamais oubliée, d'autre part Jean Legras travaille toujours en collaboration : « les vraies mathématiques appliquées se font nécessairement en collaboration car on ne maîtrise pas le contexte », dit-il. Ce fut d'abord avec l'ONERA. (Office National d'Etudes et Recherches Aéronautiques), ce sera plus tard avec le CNET (Centre National d'Etudes des Télécommunications), mais toujours dans des contacts de personne à personne, non avec les institutions, et toujours aussi pour résoudre des problèmes qu'on lui posait, et non qu'il se posait lui-même. Jean Legras avait davantage le profil de l'ingénieur de recherche que celui du chercheur. On a déjà compris qu'il refusa net tout bourbakisme, ce qui naturellement lui valut l'opposition durable de Jean Delsarte. Legras explique là-dessus dans l'introduction de son livre sur la résolution des équations aux dérivés partielles (1956) :

« L'ingénieur, le physicien se trouvent souvent devant les problèmes que les mathématiciens classiques n'ont pas pu résoudre. Il leur faut alors, ou renoncer à l'emploi de l'outil mathématique, ou utiliser des méthodes moins strictes, que réprouvent les mathématiciens, mais qui sont seules capables de les dépanner. Il est alors indispensable que l'ingénieur, le physicien et tous ceux qui s'occupent de mathématiques appliquées, soient capables de se dégager du complexe inhibitif de rigueur que leur a imposé leur éducation, et qu'ils osent se lancer à l'aventure : la vérification expérimentale sera là pour leur crier casse-cou le cas échéant. »

Cela n'empêchera pas sa carrière universitaire de se dérouler normalement : nommé chargé de cours de mathématiques générales à Besançon le 1er octobre 1947, Jean Legras était titularisé maître de conférences trois ans plus tard dans cette même Faculté et transféré le 1er octobre 1952 à Nancy sur le poste de Godement nommé professeur de CDI. Il donna des cours variés dans les différentes écoles d'ingénieurs, notamment l'ENSEM, également l'Ecole de Brasserie alors dirigée par le professeur Urion qui était aussi Doyen. Le souci d'enseigner bien l'amena à publier en septembre 1954 son premier ouvrage pédagogique, « Résolution pratique des équations différentielles », suivi dès 1956 du second : « Techniques de résolution des équations aux dérivées partielles » que nous avons déjà évoqué. La même année le voyait succéder à Jean Dieudonné dans la chaire de Mécanique Rationnelle.

Si Bourbaki perdait un poste, en revanche les différents directeurs d'écoles d'ingénieurs de Nancy ne purent qu'être satisfaits de la fondation d'un service de Mathématiques Appliquées : ils avaient de forts besoins de calcul. Or, non seulement Legras connaissait bien le calcul numérique mais dès 1954 il avait pris contact avec IBM – Nancy, fait connaissance de l'ordinateur comme outil de calcul, même accompli chez IBM quinze jours d'apprentissage de manipulation. Il reçut de ses collègues des encouragements intéressés, sut convaincre le Recteur Mayer, trouva chez le directeur de l'Enseignement Supérieur au Ministère, Berger, une grande ouverture d'esprit – et un crédit de quatre vingt millions. Après Toulouse grâce à son Aéronautique, après Grenoble grâce à ses industries, Nancy, grâce à ses écoles et à l'opiniâtreté de Jean Legras, se dotait de moyens de calcul automatique. Legras obtint d'abord (1956) de pouvoir travailler avec ses étudiants sur une IBM 604 : « c'était une machine comptable améliorée, elle possédait huit mots de mémoire, chacun de six chiffres décimaux ; le programme se faisait par cablage d'un tableau de commande, d'environ cent vingt instructions à deux adresses » (J. Legras, « Petite histoire de l'informatique à Nancy »). En octobre 1958, « Nancy obtenait grâce à l'intervention efficace du Recteur Mayer un ordinateur IBM 650 » (ibid.) et en 1959 l'Université créa le « Centre de Calcul Automatique de Nancy » pour gérer le matériel.

En 1958 encore, pour pouvoir former des élèves et satisfaire aux besoins de l'Université, Legras fonda un troisième cycle d'Analyse et Calcul numérique que Jean Delsarte accepta finalement de bon gré dans le cadre mathématique. En 1959, il lança le certificat d'études supérieures de Probabilités et Statistiques, disciplines qu'il n'avait jamais pu étudier sérieusement et pour l'enseignement desquelles il put dès octobre 1960 faire nommer Michel Depaix. En ce qui concerne le troisième cycle, la première année y était consacrée à l'étude des techniques numériques, la seconde à un travail personnel, le but étant de former de bons ingénieurs par un travail de réflexion (qui chaque fois contenait l'écriture d'un programme assez important) et par beaucoup de contacts avec l'industrie, SOLLAC (Société lorraine d'aciéries) notamment. Il s'ensuivit pour Jean Legras une prodigieuse activité, d'abord de recherches personnelles. C'est en ces années 1956-1959 que se situe sa collaboration avec le CNET que nous avons cité, lorsqu'il participa à la synthèse des filtres et aux calculs des amplificateurs du câble Marseille-Alger. Deux articles publiés en 1959 par la revue « Câble et Transmission » décrivent ces travaux : « Approche d'une fonction par modelage des résidus » et « Synthèse de réseaux correcteurs d'affaiblissement par méthode de modelage », suivis en juin 1960 de l'adaptation de la méthode au calcul automatique. Mais parallèlement le troisième cycle d'analyse numérique impliqua une forte densité de direction de recherche qui demanda beaucoup de temps : de 1960 à 1981, ce ne fut pas moins de soixante et une thèses de spécialité, cinq thèses d'ingénieur-docteur et neuf thèses d'état que Legras eut à gouverner. Certaines d'entre elles lui inspirèrent des prolongements ou des précisions où il intervint directement et qui donnèrent lieu à des publications séparées supplémentaires qu'il signa avec ses élèves. Ainsi en fut-il en décembre 1960 des « Codes de programmation » avec Marion Créhange qui fut la première de ses assistants. Au départ naturellement, la programmation fut l'un de ses plus grands soucis et il l'approfondit dans plusieurs articles dont « Méthodes actuelles de programmation : L'Algol et ses extensions », donné à « la Scuola in Azione » en février 1963, suivi d' « Une extension de l'Algol : l'Algol linguistique », au troisième congrès de l'AFCALTI (Association Française de Calcul et Traitement de l'Information) à Versailles en avril 1964.

De l'année 1963 datent encore deux articles en collaboration : « Une technique de résolution approchée de l'équation de la chaleur » et « Calcul d'une charpente hyperstatique par minimisation de l'énergie élastique et potentielle ». Le premier constitue un début de réponse à une question posée par la DGRST, le second en revanche est une préoccupation spécifique du mécanicien Legras dont il présente les résultats au congrès de l'AFCALTI de Toulouse. Tous deux utilisent des méthodes typiques des moyens employés pour résoudre des systèmes différentiels (encadrés 5, 6). Toujours en 1963, il complète son deuxième ouvrage d'enseignement sur les équations aux dérivées partielles par un troisième, « Précis d'Analyse numérique », portant notamment sur les systèmes linéaires et le problème des valeurs propres.

 

 

 

Pendant ce temps, les moyens du Centre de Calcul Automatique augmentent lentement. Le progrès le plus important est certainement l'arrivée de Claude Pair en 1963, pour qui Jean Legras obtient un poste d'attaché de recherche au CNRS. Pair est l'inventeur de la théorie des piles dans laquelle il a mis toutes ses fortes connaissances d'algèbre. Dès 1964, il enseignera la théorie des langages à la Faculté. En 1964 aussi des locaux moins étroits sont mis à disposition par le tout nouveau Trésor de la Langue Française que vient de créer le Recteur Imbs. En février 1965, c'est l'implantation d'un CAE 510, petit ordinateur de « process » bien adapté au travail scientifique, qui accepte des langages évolués, et dont la présence donne le départ d'un enseignement véritablement informatique : à la Faculté par la naissance de la maîtrise MAF (Mathématiques et Applications Fondamentales) puis de la maîtrise d'informatique, à l'IUT (alors situé à l'Ecole des Mines) par la création d'un département informatique. Les services rendus sont considérables, non seulement aux scientifiques, chimistes surtout, mais aussi aux minéralogistes, aux médecins, aux linguistes. Legras qui avait les Palmes Académiques depuis 1950, et avait été promu officier en 1955, reçoit cette fois l'Ordre National du Mérite (novembre 1967).

De pair avec les activités de l'enseignement se poursuivent celles du chercheur, surtout dans le calcul matriciel et tous les outils numériques correspondants. La « Résolution numérique des grands systèmes différentiels linéaires », écrite en 1964, parue à « Numerische Mathematik » en 1966, met au point des techniques d'approximation permettant le calcul effectif d'exponentielles ou d'intégrales matricielles. Les méthodes employées peuvent s'adapter à la résolution des systèmes différentiels à très grand nombre d'inconnues qui apparaissent dans l'approximation par discrétisation de l'équation de la chaleur. Elles perfectionnent celles de l'article de 1963 et seront poursuivies dans « Méthode discrétisation fine, application au problème de la chaleur » d'octobre 1967. Sur un sujet voisin Legras publie simultanément « Une méthode de suritération des grands systèmes linéaires » au colloque international de Besançon, octobre 1966. Puis ce sera en octobre 1968, pour le Groupe d'Etudes sur l'Analyse Numérique initié par le Centre d'Etudes théoriques de la Détection et des Communications de Toulouse, trois exposés sur les plus récentes méthodes d'analyse numérique des équations différentielles, la méthode des différences finies (encadré 7) et ses améliorations : collocation, collocation généralisée, méthode de Galerkin, méthode du potentiel, avant de se tourner vers les applications aux « Equations intégrales du type Fredholm » (novembre 1969), et la mise en œuvre de processus algorithmiques pour leur calcul sur machine. L'ensemble de ces études est repris dans deux ouvrages d'enseignement, « Initiation à l'analyse numérique » (1968) et « Méthodes et Techniques de l'analyse numérique » (1970), toujours chez Dunod.

En 1970, le développement des applications des ordinateurs dans les domaines de la gestion et de l'administration conduit Legras à susciter la naissance d'une équipe de recherche spécialisée en informatique de gestion puis à participer à la création des enseignements correspondants. L'impact prévisible de l'informatique sur le développement des méthodes mathématiques en économie l'incite simultanément à créer un enseignement de mathématiques de la décision et diriger des recherches dans cette voie. Ceci l'amène en 1971, à côté d'une intervention au Colloque d'Analyse Numérique en juin : « Identification dans un système différentiel non linéaire par programmation dynamique », à publier en juillet « Recherche de règles d'ordonnancement par traitement sur ordinateur » (avec son élève Jean-Marie Proth) et en octobre « L'informatique de décision » suivie en 1972 (avec un autre de ses élèves, Pierre Ladure) d'« Un exemple d'aide à la décision pour la recherche de règles d'affectation et d'ordonnancement d'un système de ponts roulants ».

Ces mêmes années, les moyens du Centre de Calcul sortent enfin de la modestie. Février 1970 voit l'implantation du système CII 10070, pourvu « de deux unités satellites 10010 qui seront utilisées dans une première phase localement en particulier à la Faculté de Médecine, et qui seront ensuite connectés à l'unité centrale par liaison téléphonique » (« Petite Histoire… » op. cit). D'autre part, la création des nouvelles universités en 1970 mène à une bilocation essentielle : tandis qu'à Nancy I la Faculté des Sciences conserve les enseignements déjà installés, le département informatique de l'IUT entre dans la composition de l'Université littéraire, juridique et économique Nancy II où se trouve créée une UER de mathématiques et informatiques. Par la force des choses, le Centre de Calcul devient inter-universitaire, sa vocation de service s'accroît tandis que ses responsabilités d'enseignement et de recherche reviennent aux UER et aux écoles d'ingénieurs. Après avoir présidé à la transformation du centre en Institut Universitaire de Calcul Automatique et l'avoir mis sur ses nouveaux rails, Jean Legras en quitte la direction en novembre 1972 ; c'est Claude Pair qui lui succède.

Il s'ensuit un recentrage des activités de Legras sur l'enseignement et la recherche. Cette dernière n'avait pas cessé mais les préoccupations d'analyse numérique, d'aide à la gestion et à la décision, s'orientent désormais vers les problèmes de recherche opérationnelle et d'optimisation, soit discrète avec un nombre fini de paramètres – discipline d'une difficulté comparable à celle de l'arithmétique – soit surtout l'optimisation continue. Mais comme Legras ne sait s'intéresser à un problème que s'il s'agit de service rendu ou d'une réponse utile, ce sont en réalité les problèmes posés par l'imagerie médicale, en particulier la reconstitution d'images (scintigraphies, scanners) qui sous-tendent maintenant ses recherches. C'est notamment, dès 1972, le « Premier état d'un ensemble de traitement sur ordinateur des scintigraphies numériques », donné au Journal de biologie et de médecine nucléaire. En effet, il faut mentionner précisément parmi les collaborateurs de cet article deux professeurs de médecine, Jean Martin et Bernard Legras. Martin interviendra avec Jean Legras dans deux autres publications de 1977. Quant à Bernard Legras, il deviendra l'interlocuteur quasi constant de son père depuis « Une nouvelle technique de correction de collimation des scintigraphies numériques » en 1974 jusqu'à « Un nouvel algorithme de construction en tomographie d'émission » en mars 1982. « Le problème du scanner sur le plan mathématique est assez joli : c'est celui d'une équation à intégrales multiples assez mal fichue ».

Pour faciliter aux intéressés l'utilisation de ces nouveaux travaux, Legras en réunit la substance dans son dernier ouvrage, « Algorithmes et programmes d'optimisation non linéaire avec contraintes » (Masson 1980). Précédé d'un exposé de résultats théoriques, dont quelques très beaux théorèmes sur la méthode du gradient, « ce livre est une bibliothèque de sous-programmes, la synthèse de travaux faits par les chercheurs de mon service depuis une dizaine d'années, travaux portant sur les techniques que sur leur mise en œuvre dans des cas concrets ».

Les activités de troisième cycle en effet ont continué de plus belle durant toutes ces années. De 1975 à 1981, Legras aura dirigé dix sept thèses de spécialiste, trois d'ingénieurs-docteur et sept thèses d'état. Sans, naturellement, cesser d'enseigner. Il continue de faire preuve d'un dynamisme plein d'énergie. Son style est toujours aussi nerveux, rapide, percutant. Intellectuellement très séduisant, il possède ce don rare de rendre intelligent son interlocuteur, pourvu que celui-ci manifeste au moins un peu de bonne volonté. S'il fut un professeur redouté, ayant de l'ironie à revendre pour les négligents, il réussit aussi à faire entrer notamment de la Mécanique Générale dans les cerveaux les plus rebelles. Il fut un des très rares mathématiciens à entrecouper ses propres cours de véritables travaux dirigés dès avant 1960.

Commandeur des Palmes académiques en 1971, il fut promu officier de l'Ordre National du Mérite en janvier 1982. Il partit enfin en retraite le 1er octobre 1982, aussitôt nommé émérite, pour faire encore une année de cours de recherche opérationnelle en 1982-1983. Jean Legras résume sa vie professionnelle en deux mots : « défricher ce qui n'intéressait pas les autres mathématiciens, collaborer avec l'industrie ». De ce second point de vue il faut citer son dernier contrat, d'optimisation industrielle, avec Pont-à-Mousson, 1979-1982. « Mais le problème avait été mal posé, l'interface était mauvais ». En revanche, Legras apprit enfin à programmer ! Il était bien temps, pour le vrai père de l'informatique lorraine. Mais s'il l'était devenu, par ce Centre de Calcul qu'il avait fondé, développé, agrandi, étendu jusqu'à maturité, c'était que le sens du service à rendre et le souci de répondre aux questions et problèmes de ses collègues, ont caractérisé son travail. C'était une noble ambition et ce fut un noble parcours.

Mais la retraite, ce n'est qu'un mot. Gourmand de mettre en action ses toutes neuves capacités en programmation, Jean Legras s'est employé depuis 1984, avec son fils, à la confection d'un logiciel de bactériologie. Cet instrument tourne bien et continue à se développer. C'est un très grand programme pourvu de quantité d'appendices, que Jean Legras sort d'un profond tiroir de son bureau et dont il dit, avec un large sourire de mécanicien heureux : « c'est comme un très gros moteur, on y trouve toujours quelque chose à perfectionner ».

 

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En 1956, la Faculté des Sciences de Nancy comprenait seulement quatre professeurs et un maître de conférences en mathématiques :

- Jean Delsarte : Analyse

- Jean Legras : Mécanique rationnelle

- Luc Gauthier : Mathématiques appliquées

- Michel Hervé : Calcul différentiel et intégrales

- Jacques Lions : Méthodes mathématiques de la physique (maître de conférences devenu professeur en 1959 à la place de Michel Hervé).

 

En 2007, il y a 31 professeurs et 52 maîtres de conférence en mathématiques et informatique.

 

 

Livres, thèses et publications

 

Les six livres d'enseignement écrits par Jean Legras

 

1954 : résolution pratique des équations différentielles
1956 : techniques de résolution des équations aux dérivées partielles
1963 : précis d'analyse numérique
1968 : initiation à l'analyse numérique
1970 : méthodes et techniques de l'analyse numérique
1980 : algorithmes et programmes d'optimisation non linéaire avec contraintes

 

Thèses préparées sous la direction de Jean Legras

 

* : étudiant devenu professeur de faculté en France

THOMAS François "Application de la méthode du modelage au calcul de correcteur" Juin 1960.

TISSIER Gilles * "Equation de la chaleur - Méthode des différences finies ; transformée de Fourier - une méthode numérique de calcul" Juin 1960.

CREHANGE Marion * "Structure du code de programmation" Mars 1961.

COLAS Claude "Opération en triple précision, code de programmation - Moments centrés, courbes de K. Pearson" Juin 1961.

GIANNESINI Jacqueline "Calculateur arithmétique binaire – Code affectation de mémoires" Juin 1961.

BERAUD Claude "Etude des grands systèmes différentiels du premier ordre à coefficients constants - Application aux équations paraboliques" Octobre 1962.

NURDIN Guy "Valeurs propres d'équations différentielles Application à des problèmes de vibrations" Juin 1962.

SCHAUER Marie-Claude "Application d'une nouvelle méthode numérique de quadrature au calcul des intégrales de Fournier" Octobre 1962

BERNARD Dominique "Emploi de la matrice de transfert à la synthèse des quadripôles réactifs en échelle" Octobre 1963.

CHONE Rolland "Méthode de Ritz avec base numérique - Application à des problèmes de vibrations" Octobre 1963.

DUMAS Jean-Claude "Erreur de discrétisation dans l'étude des systèmes différentiels linéaires - Application à l'équation de la chaleur" Octobre 1963.

GERTNER Denis "Déformation élastique d'un cylindre - Application à la théorie du laminage" Octobre 1963.

WALTER Etienne "Evaluation des efforts dans les charpentes hyperstatiques par la recherche du minimum de l'énergie élastique et potentielle" Octobre 1963.

COURTOIS Cécile * "Approximation de l'équation de la chaleur au sens des moindres carrés" Février 1964.

DECAMPS Jean-Pierre "Optimalisation d'une installation industrielle à l'aide d'un calculateur numérique" Octobre 1964.

GERARD Michel "Techniques de résolution numérique des systèmes d'équations principales méthodes de minimisation" Octobre 1964.

TAN Bun Sor "Technique de résolution des grands systèmes différentiels linéaires - Application à l'équation de la chaleur" Octobre 1964.

NOEL Philippe "Réduction des erreurs de chute par la représentation lagrangienne des polynômes - Application à la méthode de collocation" Février 1965.

ROUSSEAUX Joëlle "Résolution de l'équation différentielle y'=f(x,y) par méthode intégrale" Mars 1966.

PIGNON Annette * "Méthodes générales de minimisation avec contraintes - problèmes non linéaires" Juin 1966.

MONTET Colette * "Etude de techniques de discrétisation du problème de la chaleur" Septembre 1966.

D'ANDREA Angel "Détermination expérimentale des fonctions de Green - Application aux problèmes permanents" Décembre 1966.

LABOUR Florence "Contribution à l'étude d'un problème d'étirage" Décembre 1966.

MONOT Claudine "Ajustement numérique d'un système différentiel linéaire à l'aide de la transformation de Laplace" Janvier 1967.

NOEL Philippe "Suritération des grands systèmes linéaires quelques applications aux équations aux dérivées partielles" (Etat lère thèse)

"Le traitement des listes en PL1 (2ème thèse) " Février 1967.

KURT Jean-Louis "Ajustement des paramètres des équations aux dérivées partielles - application à un problème de chaleur" Juillet 1968.

CHARLES François "Optimisation d'une fonction d'une variable contribution à la méthode du minimax" Septembre 1968.

VIENNEY Roland "Optimisation avec contraintes - essai de la méthode des directions conjuguées" Septembre 1968.

CLEMENT Bernard "Aspects numériques de la théorie des tourbillons - cas de mouvements plans" Juin 1969.

YU Ziang Kuang "Usage des techniques d'approximation en programmation dynamique" Septembre 1969

HAURAT Alain "Equations intégrales intervenant dans la méthode du potentiel (problème de Neumann)" Octobre 1969.

HIRSCH Gérard * "Application à des problèmes "de barrière" - plans de révolution" Novembre 1969.

FOUCAUT Odile * "Ajustement de paramètres variables sur des systèmes différentiels non linéaires par la programmation dynamique" Novembre 1969.

POTDEVIN Michel "Etude par simulation avec contrôle statistique de techniques de lissage utilisées en scintigraphie" Juillet 1970.

AZZEDINE Mohamed "Etude d'une perturbation d'obstacle dans un écoulement non permanent par la méthode des différences finies" Juin 1970.

PROTH Jean-Marie "Recherche de règles d'ordonnancement par traitement sur ordinateur" Janvier 1971

MALLET Jean-Laurent * "Etude numérique de l'équation de diffusion - problème direct, problème inverse" Juin 1971.

DUFOURD Jean-François "Traitement automatique de la gestion scolaire d'une université - Réalisation et extensions prévues" Décembre 1971.

LADURE Pierre "Recherche de règles d'affectation et d'ordonnancement pour un système de ponts roulants" Mars 1972.

CHAU Nearkasen "Optimalisation par une méthode du gradient avec accélération de la convergence - Problèmes avec contraintes" Octobre 1972.

LIEGEY Dominique "L'algorithme hongrois et une application. L'affectation du personnel auxiliaire du rectorat" Mars 1973.

NGUYEN Van Tuan "Optimisation par interpolation de la fonction objectif - Application à un problème de contrôle optimal" Juin 1973.

MIGNOT Nicole "Système de gestion d'informations semi variables" Novembre 1973.

PORTMANN Marie-Claude * "Utilisation des hypergraphes pour l'évaluation automatique des tailles de données" Septembre 1974.

IUNG Gérard "Identification de lois d'évolution par programmation dynamique - Détermination des températures de surface d'un lingot en cours de chauffage" Décembre 1974.

GELIN Paul "Analyse de la gestion d'une entreprise de confection - Affectation du personnel aux opérations de montage" Mars 1975.

BOUTRIT Claude * "Techniques et programmes d'intégration de systèmes différentiels par des méthodes explicites ou implicites avec adaptation contrôlée du pas" Avril 1975.

LAMBERT Jean-Pierre "Etude par simulation des lissages polynomiaux des scintigraphies numériques avec contrôle statistique" Juin 1975.

ROSENWALD Jean-Claude "Etude et programme de calcul de la dose délivrée par des fils radioactifs de forme quelconque implantés dans l'organisme" Avril 1976.

COHEN Roger "La méthode du gradient en programmation linéaire" Juin 1976.

GLOTZ Jean-Claude "Construction automatique de menus" Novembre 1976.

ANN Tay Kim "Traitement du problème du voyageur de commerce par une méthode de programmation linéaire" Avril 1977.

ABD EL MOHEIM Fatma "Influence des erreurs de discrétisation dans une technique de restitution d'image" Juin 1977.

ATLAN Daniel "Méthode du gradient en programmation linéaire et quadratique". Décembre 1977.

ALI AHMED Hassan "Techniques d'optimisation en radiothérapie externe" Décembre 1977.

MARIN CUDRAZ Henri "Optimisation d'un réseau urbain de distribution d'eau" Février 1978.

MORA ESCOBAR Hector "Approximation dans les bases trigonométriques relation avec la transformation de Fourier rapide" Juin 1978.

EL SHISHINY Hisham "Simulation et optimisation d'un écosystème gouverné par des équations aux dérivées partielles" Juin 1978.

YOUSSEF Mohamed "Méthodes et programmes d'optimisation dans les problèmes non linéaires de flot et de transport" Octobre 1978.

OUDIN Louis René "L'opérateur de Radom appliqué à des espaces de fonctions sur R2" Octobre 1978. (Etat)

ALI AHMED Nefissa "Recherche d'une solution d'un système d'équations et d'inéquations par optimisation d'une fonction objectif auxiliaire" Octobre 1978.

CHASTANT Claude "Détermination d'une direction de montée pour l'optimisation multicritère avec ou sans contrainte" Février 1980.

POTDEVIN Michel "Programmes d'optimisation non linéaire en radiothérapie externe" Juin 1980. (Etat)

MONOT Claudine "Identification des paramètres d'un système intégro-différentiel - Application au problème biologique de la cinétique normale et pathologique du fer radioactif" Juin 1975. (Etat)

GOEPP Dominique "Adaptation et extension de la méthode de Little pour une application sur ordinateur - Solution optimale et solution sous-optimale" Novembre 1975.

ROCHER Marc "Programmes d'optimisation - Application au contrôle optimal avec contrainte" Novembre 75.

BEZAUT Olivier "Programmation linéaire à variables booléennes par la méthode SEP" Décembre 1975.

JENNER Charles "Le Pert-Coût - Méthode et programme" Décembre 1975.

MARCHAL Bernard "Usage d'une méthode de simulation pour la formulation mathématique d'un modèle de gestion de stock" Janvier 1976.

CHAU Nearkasen "Une technique numérique de résolution d'équations de convolution - Application au traitement des scintigraphies numériques" Février 1976. (Etat)

 

Publications cosignées par Jean et Bernard Legras

 

PORTMANN M-C, LEGRAS B, LEGRAS J, MARTIN J.

Premier état d'un ensemble de programme de traitement sur ordinateur des scintigraphies numériques.
Journal de Biologie et de Médecine Nucléaire, 1972, 7, 27, 22-30.

LEGRAS J, CHAU N, LEGRAS B.
Une nouvelle technique de correction de collimation des scintigraphies numériques. Etude par simulation.
Annales de Physique Biologique et Médicale, 1974, 8, 221-236.

LEGRAS B, MALLET J-L, CHAU N, LAMBERT J-P, LEGRAS J.

A new display technique for computer processed scans.
European Journal of Nuclear Medicine, 1977, 2, 129-131.

CHAU N, LEGRAS B, LEGRAS J, MARTIN J.

A new fast mathematical technique for resolution enhancement applied to simulated scans of the thyroid phantom.
European Journal of Nuclear Medicine, 1977, 2, 147-151.

LEGRAS B, POTDEVIN M, LEGRAS J, CHAU N, SCHOUMACHER P.
Différentes méthodes d'optimisation par ordinateurs des traitements en télécobalthérapie.
Journal de Biophysique et Médecine Nucléaire, 1977, 5, 219-223.

LEGRAS B, CHAU N, KARCHER G, MALLET J-L, MARTIN J, LEGRAS J.
Intérêt d'un programme de courbes iso-effet en radiothérapie externe.
Annales de Radiologie, 1978, 21, 65-68.

POTDEVIN M, LEGRAS B, LEGRAS J, SCHOUMACHER P, ALETTI P.
Une méthode originale d'optimisation des traitements radiothérapiques externes adaptée à un petit système informatique.
Annales de Radiologie, 1980, 23, 36-40.

LEGRAS J, POTDEVIN M, LEGRAS B.

Optimisation linéaire puis non linéaire de la distribution des doses en radiothérapie externe.
Journal de Biophysique et Médecine Nucléaire, 1981, 5, 169-172.

LEGRAS J, LEGRAS B, LAMBERT J-P, LEICHTMANN G, TRITSCH P, ROUSSEL R.
Un nouvel algorithme de reconstruction en tomographie d'émission. Application à l'étude expérimentale de divers paramètres.
Journal de Biophysique et Médecine Nucléaire, 1981, 5, 273-279.

LEGRAS J, LEGRAS B, LAMBERT J-P.

Software for linear and non-linear optimization in external radiotherapy.
Computer Programs in Biomedicine, 1982, 15, 233-242.

LEGRAS J, LEGRAS B, LAMBERT J-P, ALETTI P.

The use of microcomputer for non-linear optimisation of doses in external radiotherapy.
Physic Medical Biology, 1986, 31, 12, 1353-1359.

LEGRAS B, LEGRAS J, BURDIN J-C, PATRIS A.

Bactec G : un logiciel de gestion sur micro-ordinateur des hémocultures réalisées avec l'automate Bactec.
Revue française des laboratoires, 1988, 180, 97-101.

LEGRAS B, LEGRAS J, PATRIS A, FELDMAN L, BURDIN J-C.

Bactério : un logiciel sur micro-ordinateur pour la bactériologie.
Spectra Biologie, 1989, 89, 48-52.

LEGRAS B, PATRIS A, LEGRAS J, BURDIN J-C, FELDMANN L, WEBER M.

Une aide automatisée à la détection des infections nosocomiales à partir d'un fichier central de bactériologie.
Médecine et Maladies Infectieuses, 1989, 19, 728-733.

LEGRAS B, BURDIN J-C, FELDMANN L, LEGRAS J, PATRIS A, BLECH M-F.

Evaluation des infections nosocomiales à partir des examens de bactériologie. Etude rétrospective du système informatique Alerte.
Revue de Santé Publique, 1990, 6, 13-17.

LEGRAS B, LEGRAS J, BURDIN J-C.
Bactério : Un logiciel sur microordinateur pour la bactériologie avec une validation des antibiogrammes et une aide à la détection des infections nosocomiales.
Revue française des Laboratoires, 1991, 217, 47-51.

LEGRAS B, WEBER M, LEGRAS J, BURDIN J-C, FELDMANN L.

Bactério-Expert : Un système intégré d'aide à la validation des antibiogrammes. Application rétrospective sur 4053 staphylocoques.
Pathologie et Biologie, 1991, 39, 290-292.

LEGRAS B, BURDIN J-C, FELDMANN L, LEGRAS J, PATRIS A, TROMBERT B.
Alerte : un système d'aide à la détection des infections acquises dans le CHU de Nancy en 1989 à partir des examens de laboratoire.
Annales Médicales de Nancy et de l'Est, 1991, 30, 215-217.

LEGRAS B, FELDMANN L, LEGRAS J, BURDIN J-C.

Bactério : Un logiciel pour la bactériologie orienté également vers l'hygiène hospitalière.
Revue Française des Laboratoires, 1992, 232, 43-46.

LEGRAS B, LEGRAS J.

Bactério : Un logiciel pour les laboratoires de bactériologie et les CLIN.
Hygiènes, 1993, 3, 44-45.

 

On peut signaler que le logiciel BACTERIO mis au point par Bernard et Jean Legras en collaboration étroite avec le professeur Burdin, a été repris par la société Info-Partner de Nancy qui a poursuivi son développement pour le commercialiser en association avec Bio-Mérieux.

 

Quant au logiciel SESIM, celui-ci continue toujours en 2008 à être utilisé au CHU de Nancy (en médecine nucléaire, réadaptation fonctionnelle..).

 

 

 

Quelques articles parlant de Jean Legras

 

- A. Renaud, « Du rayonnement des mathématiques lorraines : J. Legras et l'aventure informatique »

Le Pays Lorrain, Hors série « Les Universités de Nancy », 2003, 48-52

- M. Créhange et M.C Haton, « Cinquantes ans d'informatique universitaire à Nancy »,

Le Pays Lorrain, 2007, 167-172

- J.P. Finance, « Histoire de la recherche en informatique »,

Le Pays Lorrain, 1990, 257-266

- P. Lescanne, « La Science informatique – Les pionniers »,

Encyclopédie illustrée de la Lorraine – Les Sciences exactes, Editions Serpenoise, 108-109

- A noter aussi : un texte dans l'encyclopédie sur internet Wikipédia

 

Préfaces et avant-propos de trois livres de Jean Legras

 

Résolution pratique des équations différentielles

Préface par Joseph Pérès, Doyen de la Faculté des Sciences, Membre de l'Institut

 

Joseph Pérès – le patron de thèse de Jean Legras *

 

* Ancien élève de l'Ecole normale supérieure, Joseph Pérès (1890-1962) travailla d'abord à Rome avec Vito Volterra, l'un des créateurs de l'analyse fonctionnelle. Après la soutenance de sa thèse (1915), Pérès devint maître de conférences à la faculté des sciences de Strasbourg en 1920. Un an plus tard, il obtenait la chaire de mécanique de la faculté des sciences de Marseille. En 1929, le ministère de l'Air avait lancé un projet de création d'instituts destinés à promouvoir les recherches en aéronautique. Pérès fut chargé d'organiser à Marseille un institut de mécanique des fluides (créé en 1930) qui rendit bientôt de grands services à l'industrie.

Pérès fut nommé maître de conférences à la faculté des sciences de Paris en 1932, puis (1950) titulaire de la chaire de mécanique. Doyen de la faculté des sciences de Paris de 1954 à 1961, il prit une part active à la création des centres scientifiques d'Orsay et du quai Saint-Bernard. Lors de son congrès de Washington, la Fédération internationale de l'astronautique l'élut président.

 

Je suis heureux de présenter ici le livre de M. Jean Legras, qui constitue, à l'usage des Ingénieurs, un excellent précis de l'intégration des équations différentielles usuelles.

A côté des développements classiques, l'auteur a fait place, fort pertinemment, aux méthodes du calcul matriciel et du calcul opérationnel, méthodes dont les origines sont assez anciennes, mais dont le grand intérêt théorique et d'application n'a été reconnu que plus récemment. Son exposé de ces questions, très direct et très concret, appuyé de nombreux exemples, donne au lecteur les connaissances générales qui suffisent pour toutes les applications courantes.

La solution effective d'un problème doit aboutir à des déterminations numériques ; aussi M. Legras a-t-il développé très largement, dans le cours de l'ouvrage, les procédés de calcul numérique : calculs d'intégrales et développements en série de Fourier ; méthode d'approximations successives et intégration par arcs. Le thème central de l'intégration des équations différentielles est ainsi l'occasion d'une revue, faite sur des exemples et accompagnée de tableaux et modèles de calcul, des méthodes numériques dont la pratique est indispensable à l'étudiant de mathématiques appliquées. La méthode d'intégration graphique par considération des isoclines n'est naturellement pas laissée de côté.

Dans le paragraphe concernant les équations quasi linéaires (équations qui se trouvent linéarisées pour la valeur zéro d'un paramètre qui y apparaît et que l'on se propose d'intégrer approximativement pour des valeurs petites de ce paramètre), l'auteur indique, sur un exemple, le principe d'une méthode que J. Lighthill a développée systématiquement dans un mémoire récent. L'exemple choisi est, comme il se doit, le plus simple possible et présente même la particularité que la « première approximation modifiée » se trouve donner la solution rigoureuse, immédiate par intégration directe. Peut-être n'est-il pas inutile d'insister sur l'intérêt de la méthode en question, laquelle s'adapte très heureusement à des problèmes dépendant d'équations aux dérivées partielles et a retenu l'attention des aérodynamiciens. De notables applications en ont été faites, par J. Lighthill, G. B. Wihtham et par l'auteur du présent volume. Elles concernent par exemple l'étude des ondes de choc (particulièrement dans les écoulements coniques) et l'étude, en courant subsonique, (les ailes de faible allongement. Dans les divers cas le point de départ est une solution approchée du problème posé, solution où apparaissent des singularités qui en limitent le domaine spatial de validité et qui peuvent rendre illusoire un calcul régulier de seconde approximation. L'analyse de Lighthill introduit de nouveaux arbitraires permettant de tourner la difficulté. Cette analyse est extrêmement souple et ne se laisse pas aisément réduire en règles précises. Les questions de limitation d'erreur, de convergence des développements en série que l'on pourrait en tirer, restent ouvertes. Oserai-je dire que ceux qui, ayant une certaine expérience, savent bénéficier de l'appui que peuvent donner des confrontations numériques, peuvent attendre sans impatience exagérée de tels compléments théoriques.

On doit à M. Legras d'intéressants travaux sur la théorie de la surface portante et sur d'autres questions d'aérodynamique, travaux qui sont du domaine des mathématiques appliquées. Par le présent livre, il apporte une contribution fort appréciable à l'enseignement dans ce domaine. Son ouvrage rendra certainement de grands services ; il complète très heureusement l'initiation à la théorie des équations différentielles, en assurant la pratique des méthodes qui doivent être, pour l'Ingénieur, d'utilisation courante.

 

Techniques de résolution des équations aux dérivées partielles

Préface par Joseph Pérès, Doyen de la Faculté des Sciences, Membre de l'Institut

 

Le présent livre se recommande par l'esprit et les qualités que j'ai déjà signalés dans ma préface du précédent volume de l'Auteur : Résolution pratique des équations différentielles.

M. Legras y envisage les équations aux dérivées partielles du second ordre des trois types elliptique, parabolique, hyperbolique. Il se limite, dans chaque cas, aux équations les plus simples, caractéristiques du type, qui sont aussi les équations les plus couramment rencontrées dans les applications. Il précise, de façon aussi intuitive que possible, les problèmes aux limites correspondants et il donne, avec des exemples précis, les développements analytiques essentiels ainsi que les méthodes très diverses qui, suivant les problèmes, s'adaptent à la détermination numérique des solutions. L'exposé est très accessible, très clair et le programme traité est très sagement limité, comme il convient à un enseignement adapté à la formation générale de l'Ingénieur. Le volume de M. Legras vient certainement combler une lacune de notre littérature scientifique et il se trouve publié, très opportunément, au moment où se discute une révision de nos programmes.

Dans son introduction, l'Auteur insiste fortement sur l'autonomie d'une Analyse « appliquée » par rapport à l'Analyse « pure ». Cette distinction entre deux disciplines qui, d'autre part, doivent progresser parallèlement, n'est pas sans importance dans l'enseignement. Entre deux méthodes d'exposition dont la première vise avant tout à la rigueur et à la généralité, dégageant de prime abord les structures abstraites de l'Analyse et dont l'autre procède par étude de problèmes types, faisant largement appel à l'intuition, le choix, ou plutôt le dosage dépend essentiellement du but de l'enseignement et de la réceptivité de l'auditoire. Mais c'est à coup sûr la seconde qui doit dominer dans l'initiation d'élèves-ingénieurs aux mathématiques appliquées.

M. Legras signale aussi très justement combien, dans l'étude d'un problème physique, analyse et expérimentation s'appuient mutuellement. Les exemples ne manquent point, en particulier dans l'Aérodynamique actuelle, de théories qui, basées sur des schémas très incomplets des faits, se sont pourtant révélées extrêmement efficaces. L'un des plus frappants est celui de la théorie du segment portant (Prandtl), théorie qui, à partir des caractéristiques de profils déterminées en soufflerie sur des maquettes de forme simple, permet de prévoir le comportement aérodynamique de voilures de définition géométrique quelconque.

Nous noterons aussi que les diverses méthodes de résolution d'un problème (analytique, numérique, graphique, analogique) ne s'excluent pas, mais peuvent, avec avantage, être utilisées concurremment. C'est ainsi que des études analytiques plus ou moins poussées permettent d'élargir notablement le domaine d'application du calcul par analogie rhéoélectrique et d'en améliorer la précision par des transformations du problème posé, par exemple en éliminant des singularités ou en se ramenant à la détermination d'un champ de perturbation. De même la méthode de relaxation, souvent assez fastidieuse à employer seule, devient pratique pour améliorer la définition d'un champ déjà connu avec une moindre approximation. De ce point de vue, les rapprochements que réalise l'excellent livre de M. Legras ne peuvent manquer d'être très efficaces.

 

Méthodes et techniques de l'analyse numérique

Avant-propos de l'auteur

 

Le titre illustre les deux aspects de l'analyse numérique actuelle, branche des mathématiques orientée vers la recherche d'algorithmes en vue des traitements sur ordinateur. L'invention de tels algorithmes demande d'abord une connaissance approfondie des propriétés les plus diverses des entités mathématiques que nous voulons calculer; il faut ensuite contrôler que le passage sur ordinateur donne des résultats effectifs correspondant aux résultats espérés l'ordinateur est en effet un outil imparfait qui, à chaque opération, introduit « une erreur d'arrondi ». Le cumul de ces erreurs d'arrondi peut, dans certains cas, fausser grossièrement les résultats et on doit se limiter aux algorithmes « stables », c'est-à-dire peu sensibles aux erreurs d'arrondi.

L'apparition, la propagation des erreurs d'arrondi sont encore mal connues et l'étude de la sensibilité d'un algorithme aux erreurs d'arrondi, les techniques d'amélioration, sont souvent du domaine expérimental. Ce livre est la synthèse de nombreux essais faits par les chercheurs de l'Institut Universitaire de Calcul Automatique au cours de ces dernières années, et je les remercie de leur contribution à ce travail.

Une des difficultés essentielles de l'analyse numérique vient du fait qu'un ordinateur, par essence, ne peut donner sur une fonction qu'une information finie (par exemple une table), alors qu'une fonction est un être mathématique défini sur un ensemble continu. Dans des cas élémentaires (fonctions trigonométriques, racines carrées), on peut construire un algorithme qui, à partir d'un nombre fini d'« informations » construit la valeur numérique en tout point avec une excellente approximation. En général une fonction sera représentée de façon approchée soit par une table, soit par une expression mathématique « approchante », d'où l'importance des problèmes d'approximation, allant des techniques élémentaires d'interpolation à des méthodes plus raffinées. Ces techniques feront l'objet de la première partie de ce livre; dans cette même partie nous traiterons une application simple de ces techniques d'approximation : le calcul approché des intégrales définies. Le lecteur trouvera en une étude théorique des problèmes d'approximation, et nous insisterons plus particulièrement sur les difficultés techniques.

La seconde partie a pour sujet l'étude des systèmes d'équations. Le cas d'une équation à une inconnue permet d'introduire simplement la méthode des approximations successives, les notions de suritération (amélioration de la convergence) et le lien de ces méthodes avec la méthode de Newton. Le cas des systèmes linéaires a lui aussi été l'objet de nombreuses études théoriques, nous nous contenterons de rappeler les principales méthodes ou techniques. Il faut toutefois faire une place à part aux systèmes surdéterminés, dont la notion s'introduit de façon naturelle dans de nombreux problèmes d'approximation. Il reste enfin à dire quelques mots sur les systèmes d'équations quelconques, pour lesquels les méthodes générales sont peu nombreuses (approximations successives, linéarisation).

La troisième partie traite des problèmes différentiels et intégraux. Nous verrons d'abord le cas des équations différentielles problèmes à valeurs initiales, puis problèmes aux limites. Ces derniers sont une transition naturelle pour introduire les problèmes au contour relatifs à des équations aux dérivées partielles elliptiques; nous passerons ensuite aux problèmes évolutifs, qui sont des « problèmes à valeur initiale » pour la variable « temps » et des « problèmes au contour » pour la ou les variables d'espace. Les méthodes de discrétisation employées dans ces problèmes ont été le sujet de nombreuses études théoriques et là encore, nous nous limiterons à l'étude technique.

À la fin de la troisième partie, nous nous intéresserons aux équations aux dérivées partielles hyperboliques, puis aux équations intégrales à limites fixes. Ces familles de problèmes semblent avoir été moins étudiées que les problèmes précédents et il a paru bon à l'auteur de présenter au début de chaque chapitre un rappel des connaissances classiques nécessaires à la bonne compréhension des techniques décrites.

Pour conclure, l'auteur voudrait évoquer une opinion personnelle sur la confiance que l'on peut accorder aux résultats de tout calcul complexe, effectué sur ordinateur.

Ces résultats sont dans la très grande majorité des cas entachés d'une erreur systématique (erreur de méthode), à laquelle s'ajoute l'erreur d'arrondi. Ni l'une ni l'autre de ces erreurs ne peut être sérieusement estimée, sauf dans quelques cas exceptionnels. L'ordinateur imprime un résultat formé de 6, 8, 10 chiffres, selon le matériel utilisé, mais personne n'est capable de fixer avec certitude le nombre de chiffres significatifs. Dans certains cas extrêmes, l'ordre de grandeur lui-même n'est pas respecté.

L'analyse numérique ne sera adulte que lorsqu'il sera possible d'estimer tant l'erreur de méthode que l'erreur d'arrondi et cette indétermination de l'erreur est une des difficultés essentielles de l'analyse numérique.

La position de l'utilisateur peut être la suivante, intermédiaire entre la confiance aveugle que l'on accorde habituellement à tout traitement portant l'étiquette « mathématique » et un scepticisme exagéré, lié aux remarques précédentes : l'outil mathématique, tant lors de la phase de modélisation (ou mise en équation) que lors du traitement numérique permet une interprétation nécessairement imparfaite des faits concrets; la différence entre les faits réels et les faits prévus par calcul peut provenir soit d'une mauvaise mise en équation, soit d'un mauvais traitement numérique de ces équations. Dans l'un ou l'autre cas la formalisation mathématique et son traitement numérique ne deviendront outils de prévision qu'après un sérieux contrôle.

Concluons par la seule remarque que, malgré les faiblesses actuelles de l'analyse numérique, il serait regrettable que le physicien, le chimiste, l'ingénieur renoncent à l'usage de cet outil qui, dans de nombreux cas, permet d'aller beaucoup plus loin que les techniques formelles des traitements mathématiques classiques.


Allocution prononcée par le professeur Barriol,

le 22 novembre 1967, avant de remettre la décoration de Chevalier du Mérite national

 

Mon cher Legras,

 

Le bon usage des discours académiques demanderait probablement que je m'adresse à toi d'une manière plus solennelle, en évitant notamment le tutoiement habituel entre deux camarades d'Ecole mais je ne crois pas devoir m'y conformer. Je n'aime que modérément les discours et surtout je veux respecter le désir de discrétion que tu as nettement marqué en choisissant pour parrain un camarade et non une personnalité officielle. J'ajoute enfin que cela me permettra d'éluder, du moins j'espère, les banalités du genre. Il me faut cependant respecter la coutume qui exige que le cérémonial de remise de l'insigne de Chevalier de l'Ordre du Mérite qui t'est faite aujourd'hui, soit précédée d'un bref exposé des raisons qui t'ont valu cette distinction et je suis particulièrement heureux de m'y conformer.

Tu es né aux jours difficiles du début de la première guerre mondiale, et après une jeunesse sans histoire, tu es entré à l'Ecole Normale en 1933 que j'avais quittée moi-même depuis un an. Reçu à l'agrégation dans un très bon rang, tu as bénéficié d'une bourse de doctorat dont la répartition s'effectuait alors avec une parcimonie dont les jeunes chercheurs d'aujourd'hui peuvent difficilement se faire une idée.

Après l'interruption de la guerre qui t'a valu un séjour forcé en Allemagne, tu es revenu faire ton apprentissage de l'enseignement dans le second degré, comme professeur de Mathématiques Supérieures à Henri Poincaré. Tu as ensuite été nommé Maître de Conférences à la Faculté des Sciences de Besançon et après quatre ans en 1952, tu es revenu à Nancy d'abord en mathématiques générales puis en Mécanique rationnelle

M'étant par avance délié du genre académique, je puis dire que ton entrée dans le temple du Bourbakisme a été saluée avec peu d'enthousiasme par un certain nombre de ses fidèles, et il est vraisemblable que, pour toi et les tiens, ce sont des souvenirs peu agréables. Mais aujourd'hui, la roue a pas mal tourné, et à ton avantage. S'il est vrai que l'on doit juger de l'arbre à ses fruits, les choses parlent d'elles-mêmes.

Je n'ai pas besoin d'évoquer tes 35 publications, les 4 ouvrages que tu as publiés mais bien plutôt le Centre de Calcul que tu as créé. Tu as introduit à Nancy le calcul automatique, aussi bien les méthodes que les machines. C'est grâce à ce travail que des chercheurs qui n'appartiennent pas uniquement à la Faculté des Sciences ont eu à leur disposition un outil maintenant indispensable. Pour me limiter à l'exemple que je connais le mieux, de mon laboratoire, nous n'avons pu aborder des recherches de mécanique quantique que depuis l'ouverture du centre. Sans les méthodes de calcul actuelles, il nous serait impossible d'exploiter les données de la résonance paramagnétique nucléaire ou celles de la spectrographie ultra-hertzienne et j'apporte ici la reconnaissance de tous les usagers.

Tu as donc réussi et il est naturel que tu aies opté pour cadre de cette cérémonie le Centre lui-même qui matérialise ce succès. Tu n'as pas encore atteint l'âge où la fin du chemin commençant à apparaître, on s'interroge sur la valeur de l'oeuvre accomplie mais, dans ton cas, aucun doute n'est déjà possible et tu as complètement justifié à tes yeux et à ceux des autres ta présence ici. De la sorte, la reconnaissance officielle que représente cet insigne que t'offre le personnel du Centre ne t'était pas nécessaire. Il était bon cependant que l'administration prenne conscience des servies rendus, et le ruban bleu qui t'est décerné en constitue le témoignage officiel. Je pense qu'en ce lieu, il n'est pas déplacé de faire un peu de statistique Tu es maintenant classé parmi les 14578 membres de cet ordre contre 238298 chevaliers de la légion d'honneur et cela, nul ne l'ignore pour 50 millions de français, ce qui représente une sélection dont il y a lieu d'être fier. Cette distinction t'est décernée alors que tu as encore une longue carrière devant toi. Tu as le bonheur de la présence de ton épouse qui partage aujourd'hui ta joie après l'amertume de l'arrivée et de tes deux enfants dont la réussite est brillante. Je désire également associer tes parents à mes félicitations désirant particulièrement saluer ton père qui a été mon collègue à Henri Poincaré en 1935. C'est un bonheur inestimable que d'être entouré des siens en de telles occasions, et il n'est pas donné à tous.

 

 

Certificat de Mécanique rationnelle 1956-1957

Au premier rang, tout à gauche, on reconnaît Marion Créhange et à coté d'elle Claudine Monot

C. Monot est devenue chercheur dans le domaine médical, sous la direction du Pr. Jean Martin

 

L'Institut universitaire de calcul automatique de Nancy

 

Jean LEGRAS

Professeur à la Faculté des sciences de Nancy, Directeur de l'Institut de calcul automatique

 

Publié dans la Revue de l'Enseignement supérieur - no 2 - 1959 – p. 154-157

 

Dès la rentrée, le novembre 1958, j'ai pu avoir accès, avec un groupe d'étudiants, à une petite calculatrice électronique, une IBM 604, machine comptable améliorée, qui, malgré ses faibles performances, nous permit de mener à bien quelques longs calculs. Ces résultats, bien modestes cependant, montrèrent aux chercheurs des divers services (physique, chimie, médecine) l'intérêt qu'offrirait pour tous un centre de calcul correctement équipé. Cette expérience nous permit, aussi, de fixer les principes de fonctionnement d'un tel centre.

1. Les calculatrices électroniques aptes à un véritable calcul scientifique sont coûteuses ; leur plein emploi appelle un gros volume de calculs dont la préparation exige un personnel nombreux et de haute valeur scientifique. Les frais d'achat et de fonctionnement ne sont justifiés que si le centre de calcul fonctionne au profit d'un grand nombre de laboratoires de recherches ; c'est le cas pour l'Université de Nancy.

2. L'installation d'un nombre croissant de grosses calculatrices électroniques crée le besoin d'«ingénieurs-mathématiciens », aptes à utiliser ce matériel, aussi bien dans les applications scientifiques que techniques. La formation que donne l'Université correspond aux qualités demandées à ce personnel : d'où l'idée de donner aux étudiants licenciés en sciences la possibilité d'acquérir les connaissances théoriques et pratiques, et (le demander à ces étudiants, au cours de leurs travaux pratiques, de programmer (1) les problèmes posés au centre.

3. Pour que les meilleurs des étudiants viennent en nombre suivre cet enseignement et contribuent au développement du centre, il était nécessaire de leur assurer une situation à la fin de leurs études : une collaboration étroite avec l'industrie devenait une nécessité, au même titre que la collaboration avec les laboratoires universitaires.

 

C'est d'après ces impératifs que fut conçu, puis créé l'Institut universitaire de calcul automatique, «servi » par le département de mathématiques appliquées, travaillant au profit de tous les laboratoires et centres de recherches universitaires, et gardant des liens étroits avec l'industrie. La transformation du troisième cycle de mathématiques pures en un troisième cycle de mathématiques pures et appliquées, donne la possibilité de délivrer un doctorat de spécialité, de niveau analogue au titre d'ingénieur-docteur. La création d'un certificat d'études supérieures d'analyse et calcul numériques (programmation, méthodes numériques, compléments d'analyse, application des méthodes mathématiques en physique théorique), ainsi que la création d'un certificat de probabilités et statistiques (certificat à option pour les licences de mathématiques pures, de mathématiques appliquées, de physique) ont permis de donner aux « ingénieurs-mathématiciens » les connaissances requises.

 

Au cours de cette première année, le fonctionnement de l'Institut de calcul est assuré par Mademoiselle Caen, assistante au département de mathématiques appliquées ; elle est chargée de l'organisation des travaux pratiques (étudiants du certificat d'analyse et calcul numériques, chercheurs et ingénieurs suivant les cours de programmation). De plus, Mademoiselle Caen, aidée éventuellement par les étudiants, « programme » les problèmes posés au centre de calcul. Il est certain que, très prochainement, un second poste sera nécessaire. Le matériel de calcul électronique n'est en place que depuis le début de janvier 1959 ; il est possible cependant de juger dès maintenant du rôle de l'Institut de calcul et de l'intérêt qu'il présente tant pour la recherche universitaire que pour la recherche technique. Bien que l'activité du Centre date de moins de deux mois, un certain nombre de calculs et de problèmes sont exécutés ou en cours d'exécution.

 

Activités du centre au profit de l'université

 

A. Formation d'ingénieurs-mathématiciens

Ces « ingénieurs-mathématiciens » sont les étudiants du troisième cycle qui choisissent l'option « mathématiques appliquées ». Pendant la première année, ces étudiants complètent leur culture générale et suivent en particulier le certificat d'analyse numérique, au cours duquel ils acquièrent une connaissance approfondie des méthodes de programmation et de calcul numérique. Le sujet de la thèse peut être choisi soit parmi des problèmes techniques, soit parmi les applications des mathématiques à diverses branches de la science : c'est ainsi que l'an prochain deux thèses, l'une de mathématiques appliquées à l'électronique, l'autre de mathématiques appliquées à la physique théorique, seront préparées à l'Institut de calcul, en collaboration avec les professeurs Guillien (pour la première thèse) et Barriol (pour la seconde thèse). Cette collaboration permettra au Département de mathématiques appliquées d'associer les mathématiques et les disciplines voisines dans la formation de base des chercheurs.

B. Cours de programmation

Les chercheurs de l'Université non mathématiciens ont la possibilité de suivre un cours de programmation et peuvent ainsi programmer eux-mêmes les problèmes qui les intéressent. Cette forme de collaboration est capitale pour l'avenir de la recherche scientifique : c'est elle qui permettra de créer de nouvelles techniques de recherches, en fonction des possibilités du calcul automatique, et de faire, des calculatrices électroniques, un nouveau et puissant outil de recherches pour toutes les branches de la science.

C. Recherches fondamentales

Le département de mathématiques appliquées a déjà entrepris ou entreprendra incessamment l'étude des problèmes suivants :

- Comparaison des diverses méthodes de quadrature

- Comparaison des diverses méthodes d'intégration des équations différentielles

- Calcul numérique de la transformée de Fourier d'une fonction.

- Étude de la méthode des différences finies (équation de la chaleur)

- Création d'une logique extérieure (2) facilitant les calculs en nombres complexes

- Création d'une logique extérieure facilitant le calcul de l'impédance de dipôles de structure quelconque.

D. Recherches au profil d'autres services

Sont en cours les problèmes suivants : Calcul d'une famille d'intégrales doubles (pour M. Lermuziaux, maître de conférences à l'Ecole des mines), calcul d'une famille d'intégrales en vue de la construction d'un abaque (pour le Dr Jean Martin*, assistant à la Faculté de médecine), calcul d'intégrales pour le Centre nucléaire de la Faculté de Strasbourg.

 

Activités au profit de l'industrie

 

A. Cours d'initiation

Un cycle de 5 conférences suivies de travaux pratiques, organisé en collaboration avec le CUCES (3) permet aux ingénieurs d'acquérir des notions exactes sur les possibilités du matériel de calcul électronique.

B. Etudes

La collaboration de l'Institut de calcul avec l'industrie ne pourra se développer pleinement que lorsque les étudiants du troisième cycle feront leur thèse et choisiront comme sujet des études qui intéressent l'industrie. Bien entendu l'Institut universitaire ne recherche aucun but commercial, et seuls l'intéressent les problèmes qui, soit dans l'étude théorique, soit lors de la programmation, offrent des difficultés justifiant leur prise en considération par l'Institut de calcul. Dès maintenant, une étude portant sur des problèmes d'évolution de température est en cours, à la demande d'une importante société sidérurgique.

 

Conclusion

 

L'Institut de calcul dépend administrativement du Conseil de l'Université ; sur le plan scientifique, il est étroitement lié au Département de mathématiques appliquées. Alors que les mathématiques appliquées acquièrent une importance et un rayonnement qui leur furent longtemps refusés, la calculatrice électronique donne la possibilité d'utiliser les mathématiques dans des problèmes scientifiques, techniques ou économiques inaccessibles jusqu'à ce jour, soit du fait de la lourdeur des calculs, soit par suite de l'insuffisance des méthodes classiques.

L'Institut universitaire de calcul automatique de Nancy permettra aux centres de recherches universitaires et aux centres de recherches ou bureaux d'études industriels d'améliorer les méthodes de recherche en profitant au mieux au mieux de la puissance de synthèse et d'analyse de l'outil mathématique.

 

Inspection mensuelle du matériel

 

(1) Programmer un problème, c'est prévoir l'organisation des calculs, phase délicate dans le cas de longs calculs, puis leur transposition en « ordres » simples, que la calculatrice peut exécuter.

(2) Les ordres directement exécutés, par une calculatrice sont difficiles à manier, mais il est possible de créer des programmes interprétatifs permettant à la calculatrice d'exécuter des ordres présentés sous une écriture plus commode, adaptés à l'étude d'une famille de problèmes. Ces nouveaux ordres constituent la « logique extérieure ».

(3) Centre universitaire de coopération économique et sociale, 95, rue de Metz, à Nancy.

 

* Jean Martin (1926-1986) devenu professeur de biophysique puis plus tard de statistique et informatique médicale à la faculté de médecine de Nancy fut le patron de Bernard Legras qui lui succéda à son décès.

Petite histoire de l'informatique à Nancy

Jean LEGRAS, novembre 1981

 

Les débuts de ce que l'on nomme maintenant « Informatique » datent pour l'Université de Nancy de l'année 1956. Dès cette époque, la société IBM me donnait accès à une IBM 604, puis me permettait, ainsi qu'à quelques étudiants, de travailler à discrétion sur une machine de ce type.

La calculatrice IBM 604 était une machine comptable améliorée ; elle possédait 8 mots de mémoire, chacun de 6 chiffres décimaux ; le programme se faisait par câblage d'un tableau de commande, d'environ 120 instructions à deux adresses.

Mlle CAEN (maintenant Mme CREHANGE), quelques chimistes formaient avec moi la première équipe de recherche universitaire en informatique.

 

En octobre 1958, après de nombreuses démarches tant à Nancy (auprès de mes collègues, auprès du Doyen URION, qui approuva mes projets) qu'à Paris, Nancy obtenait grâce à l'intervention efficace du Recteur MAYER un ordinateur IBM 650.

 

IBM 650, une énorme machine qui nécessitait une climatisation du local

 

Cet IBM 650 était une calculatrice électronique à vocation scientifique, une des premières machines commercialisées méritant ce nom. Sa mémoire centrale était un tambour magnétique de 2000 mots, tous adressables, chacun d'eux formé de 10 chiffres décimaux (2 pour la caractéristique, 8 pour la mantisse en virgule flottante). Le langage de programmation était le PASO, langage symbolique du niveau langage machine. Le FORTRANSIT, Fortran très élémentaire, commençait seulement à naître, mais demandait de tels maniements de cartes (pour les phases intermédiaires) qu'il ne fut jamais utilisé sur notre matériel. Le programme, comme les données, résultats intermédiaires, résultats définitifs, étaient enregistrés en mémoire centrale. L'entrée et la sortie se faisaient par cartes perforées une imprimante en permettait l'édition en clair.

 

Ce matériel était

- géré par le "Centre de Calcul automatique", organisme dépendant directement du Conseil d'Université et financé par lui.

- exploité par le service de Mathématiques appliquées, dépendant de la Faculté des Sciences, financé par cette dernière.

En fait ce partage était seulement une distinction administrative et les étudiants, chercheurs, utilisateurs ont regroupé sous le vocable "Centre de Calcul" toutes les activités d'enseignement, de recherche et d'exploitation liées à l'ordinateur.

Il faut de plus signaler qu'à cette époque et pour l'université de Nancy du moins, l'informatique recouvrait principalement programmation + techniques numériques.

L'enseignement était un apprentissage de la programmation complété par une étude des techniques numériques.

 

Les premiers enseignements de programmation furent faits par Mme CREHANGE (nommée assistante dès la création du Centre de Calcul) et moi-même. M. DEPAIX, puis M. M. PAIR vinrent du Lycée H. Poincaré (Nancy) à la Faculté des Sciences, respectivement comme chef de travaux (octobre 60) et comme maître-assistant (en 1964), puis comme professeurs (octobre 1967 et octobre 1969 respectivement), afin de permettre le développement des enseignements de statistique, puis d'informatique fondamentale.

 

Parallèlement au développement du service d'enseignement, j'obtenais la mise en place d'un service technique. Mme GUERRE fut nommée dès la création du Centre de Calcul : secrétariat, perforation de cartes, pupitrage furent ses tâches variées. Mme MARCHAND la rejoignait en octobre 1963.

Il faut également noter les collaborations qui dès la création du Centre de Calcul, s'établirent entre chercheurs du Centre de Calcul et chercheurs d'autres branches, physiciens, chimistes, chercheurs des écoles d'ingénieurs. Citons également la collaboration avec les linguistes de la Faculté des Lettres, développée avec le soutien fort actif du Doyen SCHNEIDER, et une collaboration avec les chercheurs du service des Isotopes (MM BURG et MARTIN, Faculté de Médecine).

 

Lors de sa création le Centre de Calcul occupait une seule pièce au premier étage du rectorat (alors 13, place Carnot). A la suite de son développement, il est transféré dans deux pièces de l'ancienne Ecole des Mines (toujours place Carnot) ; une pièce était occupée par le matériel, l'autre pièce abritait directeur, secrétaires, chercheurs. Le Centre de Calcul, en développement régulier, devint à l'étroit dans ces locaux.

En mai 1964 la nouvelle Faculté des Lettres est créée, elle dispose d'un vaste local dont une partie est destinée à l'ordinateur Gamma 60 BULL du TLF (Trésor de la Langue Française, centre CNRS dirigé par le Recteur IMBS). Grâce à nos bons rapports avec la Faculté des Lettres, le Centre de Calcul obtient le restant de ces locaux. Il y restera jusqu'en décembre 1971.

 

De cette date, jusqu'à sa montée au Château du Montet, en décembre 1971, la vie du Centre de Calcul et le développement de l'Informatique suivent une évolution régulière, tant pour le matériel que pour les enseignements et les recherches. Les dates importantes sont les suivantes :

- Février 1965 : implantation d'un CAE 510

- Février 1970 : implantation du système CII 10070

- Février 1975 : remplacement du CII 10070 par un IRIS 80.

 

CAE 510 : c'est un petit ordinateur de « process », bien adapté au travail scientifique, construit et commercialisé par la Compagnie Européenne d'Automatisme Electronique (qui donnera naissance plus tard à la CII).

Cet ordinateur accepte les langages évolués (Algol - Fortran) et son installation à Nancy peut être considérée comme le départ d'un enseignement d'informatique scientifique au sens moderne du mot. Toutefois son langage machine est peu maniable. Il n'est pas enseigné et n'est guère utilisé directement.

CII 10070 : c'est un système formé dès le début :

- de l'unité centrale du 10070 complétée par le lecteur de cartes, de bandes magnétiques,

- de deux unités satellites 10010 qui seront utilisées dans une première phase localement, (en particulier à la Faculté de Médecine), et qui seront ensuite connectées à l'unité centrale par liaison téléphonique.

Le 10070 accepte le langage COBOL et permet une évolution qui sera capitale, vers la gestion. Ceci se traduit par la création d'un C4 d'informatique de gestion (à Nancy I), d'une MIAGE (à Nancy II), par des recherches appliquées en gestion (sur la paie, en collaboration avec la mairie de Nancy, sur la gestion du fichier des étudiants ...).

Cela se traduit également par un élargissement des cours de formation pour adultes. Initialement ces cours se limitaient au FORTRAN ; viennent s'y ajouter des cours de COBOL et de recherche opérationnelle.

 

Il ne faut pas oublier, pendant cette période et par la suite, le développement de l'informatique ou de ses applications par d'autres équipes.

L'informatique pénètre et se développe dans les Ecoles d'ingénieurs (ISIN, ENSIC, ENSMIM, ENSEM) qui s'équipent en matériels propres, créent leurs enseignements d'informatique, aidés par les enseignants issus et formés au Centre de Calcul. Citons également le développement de l'informatique à l'école de Géologie.

A la Faculté des Lettres, des recherches linguistiques se développent. Dans des études orientées vers les problèmes de traduction automatique, les linguistes utilisent un langage (l'Algol linguistique) implanté sur le Gamma 60 par Mlle COURTOIS.

A la Faculté de Médecine le 10010 permet au Professeur MARTIN de créer progressivement une importante équipe réunissant chercheurs médicaux et informaticiens,

Il ne faut pas, enfin, oublier la création du département d'informatique de l'IUT, dont M. TISSIER assure la « mise sur rail » avant d'en céder la direction à M. PAIR.

 

Cette période voit également la transformation du Centre de Calcul en Institut Universitaire de Calcul Automatique (IUCA) en 1971.

 

En janvier 1972, grâce à l'appui du Recteur GROHENS, l'IUCA peut entrer dans ses meubles en s'installant au Château du Montet.

Le 10070, malgré des extensions successives, devient insuffisant pour les besoins de l'Université ; d'autre part le Gamma 60 du TLF cesse d'être utilisable. Nancy obtient alors un IRIS 80, qui sera installé en 1975 et qui devra à la fois couvrir les besoins de l'Université de Nancy et du TLF.

 

Fin 1971, la capacité accrue du matériel, les difficultés d'une mise en oeuvre efficace, le besoin d'une forte équipe d'assistance d'une part, le remodelage de l'Université d'autre part, entraînent la réorganisation de l'Institut de Calcul en un organisme interuniversitaire commun à Nancy I, Nancy II et à l'INP, lié par convention au CNRS. Cet organisme devient un service gérant un important matériel, mais sans responsabilité d'enseignement ni de recherche, ces vocations revenant aux UER ou écoles d'ingénieurs.

 

Après avoir créé, puis dirigé le Centre de Calcul ainsi que l'Institut Universitaire de Calcul Automatique, j'en suis resté le directeur jusqu'en novembre 1972.

 

 

INSTITUT UNIVERSITAIRE Le 25 Novembre 1958

DE CALCUI AUTOMATIQUE

13, place Carnot - Nancy

 

PROGRAMME DU COURS D'INITIATION

AU CALCUL AUTOMATIQUE

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lère semaine Conférence : Généralités sur l'Ordinateur IBM 650

 

2ème semaine Conférence : Programmation en langage machine

Travaux Pratiques, quelques problèmes

élémentaires.

 

3ème semaine Programmation en FLEX : Travaux Pratiques, problèmes logiques.

4ème semaine (Pas de Conférence) : Travaux Pratiques, problèmes logiques.

 

5ème semaine (Pas de Conférence) : Travaux Pratiques, problèmes en FLEX, calculs d'intégrales.

6ème semaine Conférence : Application du Calcul automatique en calcul scientifique, en calcul technique, en problème de gestion.

Travaux Pratiques, problèmes en FLEX, résolution des systèmes différentiels.

Les conférences des Travaux Pratiques auront lieu le Vendredi après-midi. .

1ère Conférence : Vendredi 9 janvier 1959

 

J. LEGRAS

A Tout CRIN

N° 58, septembre 1993

20 ans ? ... la belle âge

 

Editorial

Le début d'un phénomène important, d'une ère nouvelle, est toujours difficile à dater... Les paléontologues le savent bien. Faut-il donc parler des 20 ans du CRIN, ou des 30 ans, voire 35, de l'informatique à Nancy ?

20 ans renvoient à un événement précis, un acte de naissance officiel, la date de l'association au CNRS, donc celle d'une reconnaissance. Et peut-être aussi celle de l'émergence du nom, d'un identificateur sans aucun rapport avec la chose désignée, comme l'aiment les informaticiens (qui revendique l'invention de «CRIN» ?... j'ai mon idée). Nom appelant, quelque temps après, le titre de ce journal (ici aussi, j'ai mon idée sur l'inventeur).

Mais on ne reconnaît que ce qui existe. Et ceux qui aujourd'hui sont heureux de travailler au CRIN peuvent être reconnaissants aux pionniers dont la clairvoyance a permis que leur science s'implante à Nancy. 35 ans, c'est l'anniversaire de l'arrivée à l'Université du premier ordinateur grâce à Jean LEGRAS. 30 ans, c'est peut-être celui de l'année où cet outil de calcul est devenu objet de recherche, avant même que soit forgé le mot «informatique», grâce à la prise de conscience que la programmation et les langages posaient des problèmes scientifiques (qui est l'auteur de la première thèse de troisième cycle Nancéienne sur ce sujet ? de la première thèse d'État française ?).

Dans les années qui ont suivi cette naissance, l'effort s'est d'abord porté sur l'enseignement. A la fin des années 60, chaque rentrée voyait plusieurs nouveautés (IUT, licence, maîtrise, DEA, DESS, enseignements à des non spécialistes...). Et c'est à partir de ces enseignements, et des personnes qui les ont assurés, que s'est progressivement constitué le laboratoire.

Depuis, bien sûr, le CRIN s'est affirmé, il est devenu une machine de recherche efficace. La liste des matériels publiée dans un dernier « A tout CRIN » m'a fait rêver à 650, à CAE 510...

Quant aux locaux... il faudra aussi fêter l'anniversaire du regroupement, beaucoup plus récent, d'un labo longtemps dispersé : cela s'est révélé fondamental pour son développement ; et, fort de cette réussite, il peut maintenant à nouveau essaimer. Alors, merci aux Directeurs successifs !

En fait, à travers le temps, nous célébrons la continuité d'une volonté d'unité et d'échange entre les équipes, comme la construction patiente à Nancy de meilleures conditions d'une recherche informatique de qualité.

Claude Pair

 

Avant le CRIN

Au début, était un homme : Jean LEGRAS, qui fut un des premiers à percevoir l'importance de l'ère nouvelle à laquelle présidaient les développements considérables des moyens de calcul automatique. C'était vers 1956. 17 ans après, naissait le CRIN ... Que de chemins parcourus pour en arriver là ! et que de matériels « usés » !

Ayant fait ses premières armes sur l'IBM 604 à programme cablé, J. Legras plaçait l'Université de Nancy dans le peloton de tête grâce à l'acquisition d'un IBM 650, une des machines à programme enregistré. L'unique « mémoire » de celle-ci était constituée d'un tambour magnétique supportant 2K mots de 10 positions décimales.

Il créait parallèlement en 1959 le premier centre de calcul universitaire de Nancy, l'IUCA (Institut Universitaire de Calcul Automatique) implanté au 13 place Carnot. Se succédèrent par la suite la CAE 510, implantée au Bâtiment des ordinateurs (1965), Avenue de la libération, où elle côtoyait le GAMMA 60 acquis par le Trésor de la Langue Française, le 10070 de CII implanté dans les actuels locaux du château du Montet (1970), l'IRIS 80 de CII (1975).

C'est aussi sous l'impulsion de Mr Legras qu'est créé à Nancy, en octobre 1967, le Département Informatique de l'IUT implanté initialement à l'Ecole des Mines, puis à l'IUT du Montet (fin 1968), puis dans ses locaux actuels (en 1970), Boulevard Charlemagne. Ce département fut le creuset dans lequel firent leurs premières armes la plupart des informaticiens ayant constitué le CRIN.

C'est sous la houlette de C. PAIR, professeur nommé au Département d'Informatique de l'IUT, qu'ont été élaborées et expérimentées les méthodologies de programmation développées sur les sites nancéiens. La vocation du département étant essentiellement pédagogique, c'est cet aspect qui a présidé au choix des différents matériels implantés au Département (IBM 1130 en 1967, ICL 1901-A en 1969, ...).

Au début des années 60, informatique et mathématiques appliquées étaient intimement imbriquées tant du point de vue de l'enseignement que de la recherche. La nécessité de programmer des algorithmes de calcul de plus en plus variés et complexes, donc de disposer de langages évolués et performants, ainsi que l'exploitation optimale de matériels de plus en plus sophistiqués ont accentué le besoin de considérer l'Informatique comme une discipline spécifique. La naissance du département informatique de l'IUT a marqué nettement cette séparation et ce Département a tout naturellement servi de banc d'essai à l'implantation des enseignements de l'Informatique aux niveaux 2ème et 3ème cycle universitaire.

Ce bref synoptique sur l'Informatique à Nancy serait incomplet si on omettait de mentionner l'influence considérable du Centre de Calcul sur la mise en place et le développement des enseignements de mathématiques appliquées et de l'informatique dans les grandes écoles nancéiennes.

Gilles Tissier

 

PARTIE III

 

 

LA FETE DES ANCIENS

 

ELEVES ET COLLABORATEURS

 

POUR LE DEPART EN RETRAITE

 

 

Octobre 1982

 

A coté de Jean Legras, Danielle Marchand,

secrétaire de Jean depuis presque l'origine

C'est elle qui a constitué le livre d'or de cette réunion

d'où sont tirées les photos de cette journée


La fête de la 3A2C

 

A cette occasion, l'Association Amicale des Anciens du Centre de Calcul (en abrégé 3A2C  - car le titre comprend en première lettre de mot 3 fois A et deux fois C !) avait organisé, le 2 octobre 1982, une fête marquée notamment par une courte « croisière » sur la Moselle.

 

Au premier plan, Jean-Claude Derniame, devenu directeur du CRIN

(à la suite de Claude Pair qui lui-même avait succédé à Jean Legras)

Au deuxième rang, Marion Créhange - Au fond Jean Legras

 

Beaucoup étaient venus

- ANN Tay Kim PARIS

- BACHELIER Gérard Ingénieur à la SERITA PARIS

- BLOCH Patrice Université NANCY

- CHAU Nearkasen Chercheur à l'INSERM NANCY

- CHONE Rolland Ingénieur PONT-A-MOUSSON

- CLEMENT Bernard Ingénieur H.B.L. FAULQUEMONT

- CORON Paul Ingénieur de Rhône Progil LYON

- COURTOIS Cécile Maître- assistante IUT NANCY

- CREHANGE Marion Professeur IUT Informatique NANCY

- CUSEY Michel Chef de Centre Télésystemes NANCY

- D'ANDREA Angel Informatique industrielle SOLLAC

- DECAMPS Jean-Pierre SETE

- DEPAIX Michel Directeur de l'IUCAL NANCY

- DERNIAME Jean-Claude Directeur du CRIN NANCY

- DUCLOY Jacques Ingénieur au CRIN NANCY

- FLOC'H Christiane Aide Technique NANCY

- FOUCAUT Odile Maïtre-assistante NANCY

- GIANNESINI Jacqueline Ingénieur au CNRS MARSEILLE

- GILORMINI Claude Professeur à l'ISIN NANCY

- GUERRE Alice Technicien à l'IUCAL NANCY

- HATON Jean-Paul Professeur informatique NANCY

- HATON Marie-Christine Professeur informatique NANCY

- HAURAT Alain Maître-assistant BESANÇON

- IUNG Claude Maître-assistant à l'ENSEM NANCY

- JACQUET Raymond Charbonnages de France OISE

- LAMBERT Jean-Pierre ²Collaborateur technique INSERM NANCY

- LAPORTE Jean-Marie Directeur Général à Control Data BELGIQUE

- LAURENT Claude Maître-assistant NANCY

- LUCIUS Michel Président de l'INPL NANCY

- MARCHAND Danielle Technicien NANCY

- MARIN-CUDRAZ Henri Ingénieur à l'Equipement NANCY

- MAROLDT Jean Maître-assistant à l'INPL NANCY

- MARTIN Gilles Ingénieur à la CISI PARIS

- MARTIN Jean-Marie Attaché de recherche à l'INSERM NANCY

- MIRGAUX Alain Maître-assistant NANCY

- MONOT Claudine Chargée de recherche au CNRS NANCY

- MOUTON Jacqueline Ingénieur au CEA, MONTROUGE

- NOEL Philippe Ingénieur au CNES TOULOUSE

- OUDIN Louis-René Chargé de Recherche scientifique ST LOUIS

- PEREA Walter Maître-assistant Université NANCY

- PIGNON Annette En disponibilité METZ

- PORTMANN Marie-Claude Maître-assistante NANCY

- PREVOT Daniel Maître-assistant NANCY

- PUREL Jean Chef Service Informatique Rhône-Poulenc LYON

- QUERE Alain et Maryse Maître-assistants NANCY

- ROLLAND Colette Professeur d'informatique PARIS

- ROMAC Raymond Responsable Informatique Sécurité Sociale METZ

- ROTH Jean-Claude Directeur IUT Génie Civil NANCY

- SCHAUER Marie-Claude Ingénieur au CNRS GRENOBLE

- SMAILI Mohamed Maître-assistant NANCY I

- TAN Bun Sor Ingénieur

- THOMESSE Jean-Pierre Maïtre-assistant à l'ENSEM NANCY

- TISSIER Gilles Maître-assistant IUT NANCY

- TONHOFER Fred Responsable - Communautés Européennes

- TORRESI Christiane * Ingénieur en informatique PARIS

- VIGUE François Ingénieur Institut de Gestion Sociale PARIS

- VIENNEY Roland Chef de Service au GETI OISE

- WALTER Etienne Ingénieur SOLMER FOS SUR MER

* Fille de Jean (Bernard n'a pas pu être présent)

 

Le livre d'or a recueilli de nombreux témoignages admiratifs et chaleureux

 

 

Michel Depaix, professeur de probabilités et statistique, Jacqueline Giannesini et Gilles Tissier, (devenu professeur d'informatique, un des premiers thésards de Jean Legras avec François THOMAS, Marion CREHANGE, Claude COLAS et Jacqueline GIANNESINI).

 

 

Marie-Claude Portmann, présidente de la 3A2C,

devenue elle aussi, professeur d'informatique à l'Ecole des Mines de Nancy


 

 

A vos plumes pour le livre d'or : Jean Legras et Marion Créhange

 

 


D'autres élèves présents ont connu une très belle carrière universitaire

 

Colette Roland

L'auteur a plaisir de parler de Colette, amie de très longue date de la famille. Jean s'était lié d'amitié avec ses parents et lui avait proposé de venir poursuivre ses études supérieures à Nancy où il l'a orientée vers l'informatique de gestion : d'abord professeur à Nancy II puis à Paris, devenue directrice du CRI, Centre de recherche en Informatique. A l'origine de la méthode REMORA, Colette a publié 7 livres. A reçu plusieurs prix dont le Silver Core de l'IFIP, le prix belge de la Fondation Franqui et le prix européen des Systèmes d'Information. Docteur Honoris Causa de l'Université de Genève

 

Jean-Paul et Marie-Christine Haton

Jean-Paul, professeur d'informatique, a développé avec sa femme, à partir de 1974, une thématique (l'analyse et la reconnaissance de parole), qui dans le cadre de l'intelligence artificielle est devenue une des dominantes du CRIN puis ensuite du LORIA

Puis vint l'heure des discours

 

Au premier rang de gauche à droite :

Mr et Mme Lucius puis Mr et Mme Legras

(Mr Lucius fut un des élèves de Jean Legras avant de devenir professeur -

directeur de l'Institut National Polytechnique de Lorraine de 81 à 86 et de 92 à 96)

 

Gilles Tissier rappelant les débuts de l'informatique

et Jean Legras remerciant tous les présents


Discours prononcé par Marion Créhange

 

Vous pouvez voir, au nombre d'amis qui sont venus, à quel point nous vous sommes tous attachés. Nous tenons tous, présents ou absents, à vous dire grand merci car vous nous avez éveillés à un domaine passionnant et nous y avez guidés avec réalisme et gentillesse, rigueur et chaleur humaine. Je voudrais aussi remercier Madame Legras de vous avoir épaulé de façon si efficace, intelligente et généreuse.

 

Je peux vous dire, en mon nom mais sûrement au nom de nombre d'entre nous, que je vous suis vraiment très reconnaissante de m'avoir invitée à entrer avec vous dans cette aventure si heureuse. Je me rappelle la finesse et la modestie dont vous avez fait preuve en ne me proposant de travailler avec vous que parce que cela ne risquait pas de me faire perdre un an : j'avais été collée à physique « géné » !

 

D'une façon plus générale, nous avons tous à l'esprit la clairvoyance et le courage avec lesquels vous avez « humé » le vent pour découvrir des voies nouvelles de développement et de diversification et en faire bénéficier vos élèves. C'est ainsi que, au fur et à mesure que grandissait votre confiance en cette science naissante qu'était l'Informatique (elle ne portait pas encore ce nom), vous avez œuvré pour l'amélioration de la programmation, vous êtes intéressé au traitement d'informations non numériques (rappelons-nous Algol Linguistique), vous êtes lancé très tôt dans l'Informatique de Gestion, etc...

 

Cet esprit d'ouverture vous l'avez manifesté en établissant des contacts extrêmement riches avec des universitaires d'autres disciplines : contacts d'abord à l'intérieur de la Faculté des Sciences et dans les grandes écoles : Kern en cristallographie, Madame Roizen, Lermuziauz, Lafont, Barriol... mais aussi thésards comme Villermaux, Pentenero, Felden, et bien d'autres..., contacts aussi dans d'autres établissements : Médecine, et même Faculté des Lettres et Trésor de la Langue Française.

 

Un petit rappel de l'atmosphère d'enthousiasme et de fraîcheur qui régnait chez nous à l'époque : Monsieur Lafont, maître-assistant en Physique, vient me trouver un soir du printemps 1960 en me disant : « Je suis bien ennuyé, je dois envoyer demain dernière limite un article à une grande revue et viens de m'apercevoir que j'ai fait une erreur de raisonnement ; la nouvelle version demande de très gros calculs que je ne peux pas faire à la main, ne pourriez-vous pas essayer de m'aider ? ». Il me pose son problème, je me mets à l'ouvrage et travaille fort tard dans la soirée. Le lendemain, il vient, un peu fiévreux, et lorsque je lui annonce que les résultats sont là il saute en l'air, trépigne de joie et me dit avec son accent du Midi « Ah Mademoiselle ! Vous êtes une envoyée du paradis ! Attendez, voilà ! ». Il fouille dans sa poche et me tend une énorme poignée de cerises.

 

Ouverture toujours, les contacts nombreux et profonds que vous avez tissés et d'ailleurs gardés très activement avec le monde industriel - à une époque oh ce n'était vraiment pas courant de la part d'enseignants de Math et même d'Analyse Numérique -. Ces contacts, que ce soient des stages ou des recherches conjointes, vous les avez établis parce que cela vous semblait scientifiquement et pédagogiquement intéressant pour toute l'équipe, mais aussi pour aider vos jeunes chercheurs à gagner un peu d'argent.

 

Vous avez toujours été à l'écoute des problèmes de chacun, sans trop le montrer, et c'est ainsi que, grâce à vos efforts, vous avez pu obtenir pour plusieurs de vos chercheurs des bourses - rares à l'époque -, et même au taux maximum, et avez également permis à de nombreux garçons d'effectuer un service militaire intéressant. Vous avez également, très tôt, accueilli et aidé de nombreux étudiants étrangers.

 

Tout ceci grâce à votre réalisme et à votre esprit d'entre­prise qui vous ont permis d'obtenir, grâce à des actions permanentes auprès des instances universitaires, des moyens et des locaux décents. L'organisation à Nancy du congrès de l'AFIRO naissante, le fait d'attirer dans votre équipe Claude Pair et Michel Depaix, l'introduction de l'informatique dans les grandes écoles, etc..., tout ceci illustre cet esprit d'entreprise.

 

Ces activités ne vous empêchaient pas de mettre la main à la pâte, même au sens propre du terme, et je me rappelle avec émotion les jours où, après avoir écrit un programme pour la machine électronique 604 IBM et l'avoir réalisé sous forme d'un inextricable réseau de fils sur le tableau de connexions, vous ressortions du hangar d'IBM heureux et les doigts en sang. Et puis les plus anciens se souviennent du programme de trace que vous leur aviez mijoté pour leur faciliter le travail de programmation.

 

Je terminerai par l'évocation de vos goûts pédagogiques, toujours liés à votre réalisme. Et je citerai pour cela une conversation émou­vante que j'ai eue, il y a trois jours, avec notre ami Jacques Villermaux qui regrette bien de ne pas être là. Il me disait à quel point il vous est reconnaissant de lui avoir appris les Mathématiques de l'ingénieur en troisième année de l'ENSIC, maths « opératoires », « utiles », selon ses propres termes, qui lui ont donné les bons réflexes qui sont toujours les siens. Votre style particulier d'enseignement était exactement ce qu'il leur fallait, vous l'aviez bien compris.

 

Toutes ces activités, vous les avez menées sans jamais vous polariser et en vous livrant à plein à la pratique de nombreux sports, en en découvrant sans cesse de nouveaux et en partageant vos joies sportives avec Madame Legras.

 

C'est grâce à vos intérêts variés, professionnels ou extra-professionnels que nous sommes certains que vous aurez une très heureuse existence post-professionnelle. Nous vous le souhaitons de tout cœur et espérons avoir souvent le plaisir d'en parler avec vous.

 

Petit souvenir plus ancien - 1957

Marion Créhange dansant avec son professeur au bal de l'ENSEM

 

La dernière visite de Jean Legras à la 3A2C

 

Jean Legras a assisté une dernière fois en 1999 à une réunion de l'association 3A2C

Ce fut à l'occasion du départ en retraite d'Alice Guerre,

secrétaire qui travailla avec lui dès l'origine du Centre de Calcul.

 

Jean Legras bien entouré par ceux de la 3A2C - octobre 1999

 

De la gauche vers la droite :

1er plan

Henri MARIN-CUDRAZ, Marion CREHANGE, Mme DECAMPS, Marie-Claude PORTMANN (présidente),

Mohamed SMAILI, Mmes THOMESSE et ROMAC, Jean LEGRAS, Mme BIETRY, Albert EDMOND, Danielle MARCHAND

2ème plan

Jean-Pierre DECAMPS, Jean-Claude ROTH et Mme, Jean-Paul HATTON, Alain MIRGAUX,

Mme PREVOT et Daniel, Raymond ROMACF, Jean-Claude BIETRY, Mr PIGNON, Alice GUERRE, Annette PIGNON

 

 

Jean Legras à cette dernière réunion


TEMOIGNAGE

par le professeur Jean-Paul Haton

 

Mon premier contact avec Jean Legras date de ses enseignements de Mécanique Générale et d'Analyse Numérique de l'AEA qu'il dispensait à la Faculté des Sciences de Nancy, porte de la Craffe, et au bâtiment des ordinateurs, avenue de la Libération. Je me souviens de ces cours, clairs et sobres, et du gant qu'il portait pour écrire au tableau noir * !

A cette époque, on rencontrait aussi M. et Mme Legras dans les cinémas de Nancy, ou encore au chalet universitaire de la Schlucht, avec Christiane et Bernard.

Après 1974, suite à ma nomination comme professeur en Informatique, j'ai eu le plaisir d'être le collègue de Jean Legras à l'UER de Mathématiques, au 7e étage de la tour de 2e cycle du campus scientifique. J'ai pu ainsi mieux connaître la personne et les recherches qu'il menait, notamment par le biais des nombreuses thèses de 3e cycle et de docteur-ingénieur qu'il a dirigées. Comme responsable de l'enseignement d'Informatique à la maîtrise MAF (Mathématiques et Applications Fondamentales), j'étais en effet souvent sollicité pour apporter dans ces jurys le regard de l'informaticien. Il s'agissait toujours de beaux problèmes d'analyse numérique, avec le souci de la réalisation pratique et de l'application, souvent médicale... Thèse après thèse, on pouvait ainsi voir se dessiner un ensemble cohérent, construit avec une remarquable continuité dans l'effort.

L'image que je garde de Jean Legras est celle d'un homme simple, passionné par ses recherches. Nous devons en bonne partie à cet esprit d'avant-garde la place qu'occupe maintenant Nancy dans la recherche en informatique.

 

* Note de Bernard : cette « bizarrerie » s'explique par une allergie à la craie qui entraînait de l'eczéma sur les mains.

 

ADMIRATION ET RECONNAISSANCE

par le professeur Michel Lucius

 

Il m'est donné l'honneur et le plaisir d'exprimer en quelques mots, l'admiration et la reconnaissance que je porte depuis plus de quarante ans au professeur Jean Legras. Je voudrais le faire en toute simplicité mais avec force.

 Je lui dois toute ma carrière universitaire, tant par l'attention qu'il a porté à l'étudiant que j'étais qu'au professeur que je suis devenu.

Le hasard des promotions universitaires m'a fait entrer en 1962 à la Faculté des Sciences de Nancy pour y entreprendre des études mathématiques, promotion au sein de laquelle figurait, entre autres, Christiane Legras. L'amitié s'est nouée, avec elle en particulier, face aux exigences  qu'avaient nos professeurs de l'époque, et qui s'appelaient Delsarte, Hervé, Hilly, Huet,… et Jean Legras. La mécanique rationnelle faisait alors partie des mathématiques pures.

 En fin de licence, en 1965, ayant préalablement passé le concours des IPES, me destinant à l'enseignement secondaire, je fus surpris par la proposition aussi simple que directe que m'adressait un éminent professeur de mécanique rationnelle qui, quelque part, m'avait un peu remarqué, peut-être par ma grande taille, et qui me dit : « Je recruterai un assistant à la prochaine rentrée universitaire pour la mécanique, êtes-vous partant ? ». C'est ainsi qu'en octobre 1965 je devins l'assistant de M. Legras.  Au passage, mais je ne m'attarderai pas, quelle simplicité dans la démarche de recrutement de l'époque ! A partir de là, j'ai eu l'honneur et le plaisir de travailler avec lui pendant cinq années pleines. 

Que ce message me donne l'occasion de traduire ma perception des hautes qualités scientifiques et humaines qui ont toujours été les siennes : rigueur scientifique, détermination, sens de l'innovation (les maths appliquées étaient naissantes grâce à lui), écoute, respect et attention permanente portée à ses élèves. 

Grâce à lui, en liaison à l'époque avec le Directeur de l'ENSEM, Jean Gosse, puis avec le professeur Noll, de l'Université Carnegie Mellon à Pittsburgh (USA), j'ai pu préparer mes deux doctorats de 3ème cycle puis d'Etat.

A titre anecdotique, je me souviendrai toujours de sa réaction à propos du travail qu'il m'avait donné pour ma thèse de 3ème cycle et pour lequel le développement de méthodes numériques de résolution était nécessaire. Or, j'avais eu le « malheur » de trouver la solution mathématique exacte du problème. Il m'a dit alors : « Michel, c'est bien de l'avoir trouvée mais, pour ma part, je l'ignorerai car il m'importe plus de voir se développer des algorithmes numériques que d'apporter une contribution de plus aux mathématiques pures ».

J'ai eu, par la suite, la chance de mener une carrière universitaire bien remplie, faite de hautes responsabilités variées. C'est à Jean Legras que je le dois et, même si le temps nous a quelque peu éloignés, qu'il sache que je lui reste infiniment reconnaissant pour ce qu'il a fait pour tous ceux qui l'ont approché et ont collaboré avec lui.

Ce petit mot est aussi dédié à sa famille, à son épouse qui nous a quittés trop tôt, et à ses enfants, Christiane et Bernard, qui ont tous deux représenté ce que les valeurs familiales fondamentales inculquées peuvent apporter de mieux à notre société.